La Mémoire des Vainqueurs - Swain

La brume se déposait lentement sur les arches de pierre noire. La silhouette aiguisée de la tour creuse se découpait dans le ciel de Noxus Prime, comme une échelle d'obsidienne s'élançant vers les cieux gris et froids grondant au-dessus de la ville. Entre les nuages, un œil attentif pouvait distinguer les silhouettes fugaces d'oiseaux au cri perçant, leurs petits corps ballotés, portés par les embruns marins venant s'échouer, avec leurs dernières forces, sur les pierres taillées du port. Comme de lointains échos mourant, soufflés et chassés par les vents capricieux qui glaçaient le jour naissant.

Faris descendait les marches menant au sanctuaire, ses bottes de cuir éclaboussant les flaques de pluie nocturne sur la pierre émoussée par les années. Sa maigre stature se découpait dans l'ombre inquiétante du cœur du Bastion dont elle était partie quelques minutes plus tôt. Écrasée par les colosses de jais, les imposants bâtiments se fondaient à présent dans la pénombre grisâtre de l'aube. Elle avait traversé sans bruit les murs lisses et anonymes de la forteresse, marchant seule entre ses rues étroites, évitant ses larges avenues animées, à cette heure, par les changements de garde et les appels aux couleurs réglementaires. D'un regard, elle les avait observés depuis le haut des Marches du Triomphe, embrassant la nuit mourante, ses yeux pâles dansant d'une flamme à une autre, avant de passer leur chemin. Elle ne voulait pas se mêler aux hommes, du rang ou non. Pas plus qu'il n'était nécessaire.

Le talon de la Dame quitta la dernière marche et son allure ralentit à l'approche de la structure. Comme tous les bâtiments noxiens, le sanctuaire était imposant. Construite à la manière d'une tour, l'édifice rappelait davantage une colonne solitaire soutenue par des piliers massifs qui se relayaient, étage après étage, pour soutenir l'immense figure qui trônait sur l'amphithéâtre du haut des ses quinze mètres. Autour, le sol dallé était jonché de creux et de marques, tous témoins de l'âge de cet endroit, et des générations qui l'avaient foulé.

Le long des larges murs encerclant le sanctuaire, des centaines de lettres gravées en rappelaient la mémoire. Des noms, taillés dans l'agate noire, indéchiffrables, scintillaient timidement sur les reflets de la pierre polie. Le regard de Noradi s'arrêta un instant sur ces souvenirs enchaînés au marbre, navigant d'un inconnu à l'autre sans parvenir à les lire. Sa contemplation silencieuse fut soudain brisée par l'envol bruyant d'un corbeau. L'animal agité secoua ses ailes, y laissant plusieurs plumes avant de s'éloigner à grand renfort de croassements. Les yeux de la Dame le suivirent sans frémir, avant de s'en détacher avec un soupir sec.

"Peste."

Redressant son dos noué, Faris resserra d'une main sûre la broche qui maintenait son long manteau rouge sur ses épaules avant de laisser ses bras glisser derrière ses rebords. D'un pas sec, elle s'avança sans hâte vers l'autel, son regard distant désormais rendu à sa sévérité naturelle. L'ombre du Vieux Mur Sud auquel était adossée la tour glissa sur l'armure ternie de ses jambières, avant de s'arrêter à quelques centimètres de son visage fermé. Là, le vent léger fait doucement onduler la crinière neigeuse qui tombait le long de ses joues. D'un doigt distrait, elle replaça la mèche volatile derrière son oreille. Un nouveau soupir passa sur ses lèvres. Plus long, plus profond. Presque tremblant. Ses mains se joignirent devant son ventre et, ses lèvres commençant à dessiner des prières inaudibles, elle fit taire les murmures incessants qui dansaient derrière les piliers obscurs.

Alors qu'elle se recueillait, le silence reprenait ses droits sur la tour.