Une mer indomptée, affamée [PV YAAVI]

La nuit était tombée depuis plusieurs heures déjà sur l'île, l'absence de nuages dans le ciel sombre permettait à l'astre lunaire de briller aussi puissamment qu'un immense feu argenté au-dessus de tout. Cette soirée semblait calme, de premier abord, si l'on oubliait quelques hurlements d'agonies dans les artères sinueuses de Bilge'. Après tout, chaque nuit était accompagnée de meurtre aussi sauvage que sournois ces temps-ci, et cette soirée ne fut pas une exception. Que ce soit de simples accidents, des brigands prêts à tuer pour la moindre piécette ou les légendes meurtrières qui ne cessent de se dévoiler, il y avait toujours une certaine animation morbide dans les ruelles.

Ce soir-là, la chasse fût plus ou moins fructueuse pour l'éventreur. Même si ses cibles privilégiées se cachent de lui, quelques rats un peu trop inconscients ont fait l'affaire. Suffisant pour calmer l'appétit et la soiffe de sang de l'éventreur, mais certainement pas assez pour que les Abysses ne le laissent tranquille pour la nuit. C'est une brève accalmie que lui ont offert ces cadavres gisants maintenant sur la pierre humide, une accalmie dont le chasseur compte bien profiter. Lui-même le sait très bien, ce calme n'annonce qu'une tempête foudroyante, pouvant débarquer à chaque instant. Pyke sait très bien qu'il ne lui reste que quelques heures, tout au mieux, avant de retourner à son devoir. Des impulsions qu'il tente en vain de repousser. Les Abysses auront toujours le dernier mot, de toute manière.

Ses pas éclaboussent la mare de sang ruisselante sous lui, son regard azuré observe une dernière fois les visages crispés et défigurés à ses pieds, avant de définitivement tourner le dos à ce massacre. Ce n'étaient que de vulgaires bandits, insignifiant, à peine bon à nourrir les rats s'agglutinant autour de la chair fraîche gracieusement offerte. La mer était bien trop loin pour y jeter les cadavres, tant pis. Une nouvelle offrande sera nécessaire, avant que l'aube ne se lève. Enfin, un peu de répit pour le fantôme des lieux, un doux répit que Pyke sait comment rentabiliser, un minimum. Après tout, ces vauriens n'ont plus besoin d'argent après leur mort, autant utiliser ce fric afin de satisfaire un tant soit peu les désirs du meurtrier.

Les ruelles empruntées convergent vers une place plus animée, non loin des quais. L'endroit est assez excentré pour éviter d'avoir toute la populace de l'île en un point, mais est assez reconnu pour attirer quelques marins ou autres habitués. L'auberge du Désosseur est un endroit plutôt prisé, sa pancarte en bois usé ornant fièrement le haut de la porte d'entrée, chancelante au grès des bourrasques maritime. Une taverne conviviale, à prix raisonnable, mais laissant la population des bas-fonds s'y engouffrer, de quoi agrémenter les beuveries et autres animations d'ivrognes pitoyables.

L'éventreur franchit la double porte sans grande précaution, l'enfonçant presque de son épaule droite. Il n'est pas là pour se faire discret, et ce n'est pas son genre. Son entrée ne passe pas vraiment inaperçue, son accoutrement d'harponneur encore moins. La saillante mâchoire d'os entourant son cou impose respect et méfiance, son bandana rouge étant là pour dissuader quiconque désirant lui adresser la parole, puis son regard d'un bleu surnaturel laissent les curieux à leur place. Pyke s'installe sur un haut tabouret près du comptoir, tandis que de nombreux yeux vitreux le fixent, entre inquiétude et incompréhension. Personne n'ose vraiment venir à lui, pour le moment, ce qui laisse le chasseur indifférent. Ses heures de gloire appartiennent au passé à présent, bien que ces moments-là lui manquent de temps à autre. Enfin, sans compter l'accoutrement et la carrure de l'homme à la peau ébène, ce n'est peut-être pas seulement ça qui attire l'attention. Certainement, ses bottes imprégnées de sang frais ayant laissé de belles empreintes pourpres sur le sol ainsi que son équipement parsemé de cette même encre rouge, ont suscité une certaine agitation, entre méfiance et anxiété. Les malfrats du coin n'ont pas bonne réputation, par ici, mais tout ce bas peuple préfère se la fermer et faire comme si de rien n'était. Tant mieux.

Un serpent d'argent est déposé sur le comptoir du bar, l'éventreur ne prononçant aucun mot, il désigne la boisson qu'il désire d'un hochement de tête. La jeune femme du bar, visiblement inquiète et légèrement tremblante après avoir croisé le regard bleuté, vient servir cet inconnu d'une chope de bière, prenant la monnaie en échange sans plus de cérémonie. Pyke, quant à lui, commence à observer les lieux et surtout les visages qui l'entourent, abaissant son bandana afin de tremper ses lèvres dans le liquide doré. Son esprit est calme, pour l'instant, mais l'alcool a tendance à le rendre plus impulsif, au fur et à mesure que les boissons défilent. Il sait qu'il n'aura pas beaucoup de temps libre, mais compte bien profiter de cet instant.

La nuit était tombée depuis de nombreuses heures déjà, terrain de chasse privilégiés des monstres affamés et des humains détraqués. Sur l'immensité de la baie, seul l'astre lunaire vient caresser l'eau salée de son brillant éclat, un calme jurant avec la vie s'élevant des immondices terrestres où vivaient marins et ivrognes de la cité des pirates, un monde à part où le requin côtoie le rat et où les désagréments s'enfoncent dans les abysses sous la pression d'un étranglement. Brutal et violent. Un bruit de masse pourfendant les eaux, impulsion d'un corps en mouvement, faim pour se rappeler à ses entrailles alors qu'elle rôde et garde, observe et attend sous l'immensité aqueuse. Frustration qui ne lui va pas, sans jeu ni stimulation pour la faire vibrer en cette nuit d'ennui l'enlaçant. Un nouveau son pour fracasser la surface de l'eau prêt des quais de bois où les bateaux stagnent, immobiles et silencieux du haut de leurs grands mats. Une traction des bras, silhouette frêle et pourtant bien plus puissante qu'elle n'en a l'air alors qu'elle s'extirpe de tout son poids des profondeurs marines entre l'ombre de deux voiliers, son membre marin venant trouver les planches de bois dans un bruit sourd, queue d'un poids n'ayant rien à envier au plus féroce des requineau arpentant les eaux alors que la magie se diffuse, qu'elle s'imprègne et se répand malgré l'humidité, arpente le corps de sa douce vibration pour forcer la métamorphose, jambes à la peau matte parsemées d'écailles pour lui succéder alors que nue, la silhouette masculine se redresse, un sourire indéchiffrable venant trôner sur ses lèvres salées alors que silencieusement il entre en mouvement. Joueur invétéré que les pulsions primales agitent, soif de désir et faim de contact pour chasser son ennuie, pour stimuler sa magie. Une silhouette pour se figer alors qu'entre le remue chuchotant des vagues d'une mer paisible les lourds bruits de pas se distinguent, bottes frappent le bois de leur poids sous l'impulsion de leur porteur. Sourire pour s'élargir alors que la créature des profondeurs les repères. Un doux fredonnement qui vient se glisser dans l'ombre des galions, s'élève dans l'air sous une impulsion de magie, rauque envoutant d'une gorge reprenant son pouvoir alors qu'il se distingue bientôt à sa vue, marin cherchant son bateau dans les relans de rhum et de bière de mauvaise qualité.

Un moment pour se révéler alors que la magie s'amplifie, fredonnement pour s'imposer à l'esprit, marin se figeant quelques instants à la vue de l'homme nu s'imposant à sa vision, une emprise qui se raffermit alors qu'il arrive à son niveau. Doigts fins pour venir caresser doucement la joue du marin en sursit, une voix pour demander dans un sourire charmant.

" J'aimerai beaucoup que tu enlèves tes vêtements "

Une demande pour s'immiscer, volonté pour s'affirmer et étouffer alors que le regard couleur de l'océan est plongé dans celui bovin du marin commençant à déboutonner lourdement sa chemise sous l'emprise de l'alcool. " Brave bête." murmuré à son oreille avant qu'il ne se saisisse des haillons, un sourire pour s'élargir à nouveau alors qu'il ajoute dans un murmure. " Plonges pour moi. "

Dernier murmure échangé alors que le marin se décale, nu comme un vers pour se diriger vers le bord du ponton avant de sauter, laissant le bruit caractéristique d'une masse heurtant la surface de l'eau flotter dans l'air quelques instants. Inintéressant alors que la créature des profondeurs se désintéresse de sa victime pour enfiler les restes des haillons, un peu trop grand et sales, mais la nuit n'était pas terminé après tout et c'est un autre niveau de faim que le Charmeur cherche en cette soirée.

De longues minutes pour s'écouler et laisser la peau sécher, les écailles disparaissant complétement du corps basané disparaissant dans les ruelles sordides de la putride Bilgewater, se fondant dans la masse des âmes que la nuit ne saurait arrêté, une place animée où elle vient se mêler, homme jeune et charmant au sourire perturbant. Makara jusqu'au bout des dents alors qu'il pénètre dans l'auberge du désosseur comme si il appartenait à toutes ces âmes en perdition, poisson dans son élément parmi les humains qu'il déteste pourtant la plupart du temps, ironie d'un être ayant besoin d'eux pour sa survie malgré une haine féroce. Ironie de ces êtres que l'inhumanité anime dans une nature qu'ils n'ont pas choisis.

Les odeurs sont fortes, les sons bruyants alors qu'il pénètre dans l'auberge, trop propre sur lui malgré ses haillons trop grands, son regard aux couleurs de l'océan balayant la pièce alors que se distille à ses sens le gout si particulier du sang. Requineau l'ayant toujours accompagné, esprit lié par sa nature et sa magie, Vastaya que tous ont trop longtemps oublié et sous-estimé. Un guide pour s'imposer alors qu'il avance, laisse le goût du fer sur son palais le guider au rythme des odeurs âcres de l'auberge avant que ne se dessine finalement sa source. Un nouveau sourire pour étirer ses lèvres alors que la proie est trouvée, jeu dangereux et pourtant terriblement galvanisant, un quelque chose de dérangeant et terrifiant pour l'animer, une question pour le tarauder, quel saveur ses désirs peuvent-ils avoir ? Quelles terribles passions et peines peuvent l'habiter ? Une assurance et un égo pour le guider alors que d'un mouvement souple il vient prendre places aux cotés de l'homme stimulant la crainte et la méfiance générale, armure encore ensanglanté d'un sang frais pour le titiller, l’appâter tel ces moucherons vers la lumière. Une voix d'un timbre rauque et pourtant délicieux à écouter, presque chantant.

" La même chose "

La jeune femme s’exécute machinalement alors qu'il fouille dans ses guenilles, même pas un serpent d'argent pour traîner dans une poche. Un sourire alors qu'il ne perd pas contenance, sa magie se déversant insidieusement alors qu'il plonge son regard dans celui de la femme.

" J'espère que trois cuivres suffiront "

Nouveau sourire alors qu'elle hoche la tête, se saisissant des pièces avant de se désintéresser de lui dans la rupture de sa magie. Trempant sa boisson à ses lèvres avant de reporter entièrement son attention sur son voisin.

" Eh bien l'ami vous avez le don des entrées fracassantes. Je suis certain que la mode armure ensanglantée ferait un tabac à Noxus. "

Sans peur aucune alors les yeux d'un bleu océan restent figés sur son voisin, trikster entrant en scène pour juger cet autre dont il voulait se repaitre.