aéris — chercher le bonheur dans la colère (fb)

Passant au milieu des hommes et femmes du Nord qui cherchaient à obtenir son attention, la chef de la Griffe Hivernale poussa un grognement presque inhumain qui devint plus calme alors qu’elle aperçu quelques enfants jouer avec Bristle dans le lointain. A de nombreux égards le Druvask était son ami le plus fidèle, et le voir avec cet air heureux lui apportait un semblant de joie. Elle n’oubliait pas néanmoins que l’heure était grave, que le clan de sa traitresse de soeur qui n’en était pas une gagnait de plus en plus en puissance et qu’ils avaient perdu leur trace lorsque le dernier de ses espions n’était pas revenu. Elle n’oubliait pas que l’heure était grave et que plus qu’une femme elle était une chef, une sublimée, la colère de l’hiver elle même. Elle n’oubliait pas le poids du manteau invisible qui reposait sur ses épaules, l’existence même de Freljord qui se perdait dans des politiques insensées. Noxus attaquait l’Ouest, Lissandra et ses gardiens du givre menaçaient toutes les terres, et Ashe, cette sotte, convainquait de plus en plus d’innocents et de benets que la paix était la meilleure des solutions. Ils étaient enfants du Nord, descendants de Sublimés, ils n’étaient pas de fragiles pâquerettes cherchant le bonheur dans l’oisiveté.

Un soupir s’échappa de ses lèvres créant une fumée par la condensation de ce froid mordant qui les attaquait tous. La tribu s’était installée depuis des mois dans ce même endroit, et des braseros immenses illuminaient les environs et réchauffaient les corps et les cœurs rendus durs par le froid, le givre et la faim. Tout ça, tout ce qui était autour, c’était à elle, c’était de son fait. Si il y’avait de la viande qui grillait au dessus de quelques flammes, si il y’avait des poissons qui attendaient d’être fumés, c’était parce qu’elle s’était battu pour tout cela, qu’elle s’était battu pour la griffe et qu’elle continuait de le faire.

Arrangeant la peau de loup sur ses épaules, elle se dirigea vers le bord d’une falaise qui surplombait les étendues glacées du Nord de Freljord. Une harangue à un des hommes proches d’elle. « Va me chercher la devineresse. » elle avait une mission pour elle. Longs cheveux blonds et blancs se mélant dans le vent, elle y passa une main, arrangeant sa toison et en chassant quelques morceaux du givre qui s’y collait. La, droite sur le surplomb où elle se trouvait, elle était peut être dénuée d’arme, mais elle ressemblait plus que jamais à la chef qu’elle était, et sur la quelle reposait un clan tout entier, et peut être même un peuple.

Aéris avait le manteau de son mentor sur ses épaules, unique possession qu’elle avait gardé du partage des biens. Celle qui lui avait tout appris était partie depuis deux semaines maintenant, emportée par l’embrassade chaude de l’Agneau Kindred, à n’en pas douter. Il était rare de mourir ainsi dans son sommeil au Freljord. La disparition avait été aussi subite qu’inattendue. Aucune des divination d’Aéris ne l’avait préparée à ça. Si son mentor en avait reçu l’auspice, elle s’était bien retenue de la dire à sa fille adoptive.

Depuis, Aéris n’avait erré que rarement dans le froid et le givre, reinaume de son pouvoir. Elle ne le supportait pas, cette absence de la voix de son mentor dans tout ce qu’elle captait. C’était ce qui lui manquait le plus, ce silence incessant de la seule personne qui avait été bonne envers elle. Maintenant, Aéris était seule dans ce monde de forts.

Un homme l’alpagua en dehors de sa contemplation morose de ce qu’était devenu sa vie. Aéris s’était redressée des charmes qu’elle tressait des crins de Bristle, pour les offrir aux combattant.es qui risquaient leur vie pour la guerre de la colère hivernale.

C’était là qu’elle se rendait, Aéris. Au cœur de l’hiver, celle qui les menait d’une main de fer, main de givre : Sejuani.

Aéris marqua une pause, des mètres en arrière. Elle embrassa la vue, de cette leader au pied de la falaise, limite entre leur monde de brutalité humaine et naturelle. Oui, Aéris embrasse des yeux la figure forte de Sejuani qui ne fléchissait jamais devant les autres et que rarement dans les murmures du froid.

Aéris était tellement légère que la neige solide craqua à peine sous son poids et finalement, elle s’annonça de sa voix claire. « Tu m’as fait demander. » Fut un temps où Aéris se serait invitée d’elle-même, car elle aurait entendu dans le froid de sa divination qu’elle était attendue et elle adorait les expressions de surprise que cela générait, cette légitimité que ça lui apportait en plus. Mais ça faisait deux semaines qu’elle n’avait plus communié avec le gel et elle se sentait déconnectée de ce qu’elle était, de ce que son mentor avait fait d’elle.

Du fond de sa poche, elle sortit l’un de ses bracelets tressés qu’elle tendit de sa main dénuée de pouce. « J’ai fait un charme pour toi. » Faux, elle en avait une dizaine qui reposait dans le pli de son large manteau d’hiver. Mais il n’y avait pas de mal à offrir un peu plus de protection à celle qui les protégeait tous.

Droite sur sa corniche la colère de l’hiver fixait encore l’horizon quand des pas vinrent troubler cette pseudo - quiétude. Quelqu’un approchait. Cette femme qu’elle avait fait chercher. La jeune devineresse, la jeune incapable qui ne l’était pas tant que ça. Sejuani ne se tourna pas, lui laissant le temps qu’il lui fallait pour arriver. Une conversation avec elle n’était pas toujours des plus bienvenue, et elle était la, dressée aujourd’hui, comme une chef, comme celle sur qui reposait tout le poids de l’hiver de Freljord. Et elle était en colère Sejuani, ce qui arrivait fréquemment, ce qu’elle tentait de garder pour elle même si certains avaient déja fait les frais de son ire du jour. Elle était stressée par tout ce qui se passait et ce même si elle ne voulait pas le montrer.

La voix attira finalement son attention tandis qu’elle contemplait encore ce royaume qui pourrait être le sien, qui l’était dans une certaine mesure. Elle se tourna. Plus grande et imposante que jamais. Ses yeux pales et brillants comme la glace pure se fixerent sur la femme. Aéris, devineresse, amie du givre, incapable, faible sans l’être vraiment.

« En effet. » La voix tinta, cinglante comme cette glace qu’elle maniait en arme. Cinglante comme une brulure au milieu du froid qui venait mordre leurs membres. Cinglante, comme une deception emplie d’amertume. Elle reprit son souffle, tenta de se calmer. La Pretresse n’y était pour rien dans les aléas de la vie à Freljord, dans les tracas qui venaient accabler la dirigeante. Et si Sejuani devait se montrer dure peut être existait il une tendresse en son être pour cette personne droite en face d’elle. Cette femme sans pouce qui lui tendait un charme dont elle reconnaissait la matière principale.

Un sourire léger lui echappa. Elle tenta de le rattraper mais il était trop tard, l’espace de quelques secondes il avait été présent. « Comme si tu n’en avais pas fait au moins une dizaine depuis ce matin. J’espère que Bristle a gardé la majorité de ses poils. » Tendre plaisanterie tandis qu’elle se saisit tout de même de la breloque, que précautionneusement elle accrocha à l’un des pans de sa tenue. Elle savait ce que faisait Aéris de ses journées, non pas parce qu’elle l’avait fait espionner, mais parce qu’elle savait garder un oeil sur les personnes qui comptaient pour elle, son clan. « Je te remercie. »

Le serieux revint, le sourire disparu, et les yeux teintés de glace se fixerent sur la forme fragile devant elle. « Ce n’est pas une rencontre de courtoisie. » Aéris devait s’en douter. Elle se sentit néanmoins obligée de le préciser. « J’ai une mission pour toi. » Et si la faible pretresse se perdait dans un deuil qui devait être terminée, ce n’était pas le plus important, le peuple l’était, Freljord l’était, le clan l’était.

Sejuani inspirait une dualité chez Aéris, constamment, prudemment. Une dualité que, Aéris n’en doutait pas, n’aurait pas plu à la colère de l’hiver si elle savait ce qu’elle inspirait chez la devineresse – et parfois, Aéris se doutait que Sejuani jouait là-dessus. Sejuani inspirait la force, et pour ceux qui ne l’étaient pas, la leader de la Griffe restait imposante, intimidante. Aéris avait cette précaution constante quand elle était en compagnie de la Sublimé. Mais Sejuani était également Sublime, et Aéris n’était pas insensible, combien le froid endolorissait toutes leurs vies. Il y avait une hardiesse qu’Aéris n’arrivait pas toujours à retenir, en présence de Sejuani.

Ainsi, Aéris chassa la main de Sejuani qui était occupée à accrocher les poils de la monture sur son armure, pour que la devineresse s’en occupe personnellement. « Si ta Noble Créature » les termes furent appuyés, Aéris ayant une opinion partagée sur le cochon géant « n’était pas heureuse avec son traitement, elle me l’aurait fait comprendre. » Elle tira sur le charme, pour s’assurer qu’il était bien accroché. Aéris aurait souhaité avoir plus de force pour faire fléchir Sejuani vers elle. Mais elle était frêle, faible. « Tout comme sa Noble Maitresse. » Aéris prit une seconde de plus, pour rester dans ce qui ressemblait le plus à de la proximité avec la colère de l’hiver.

Puis elle se recula. Aéris connaissait sa place, reconnaissait les signes. « Depuis quand fais-tu dans la courtoisie, déjà ? » Le ton était plat, calme, pour ne pas verser dans le jeu qui aurait pu se mêler aux mots. C’était une mission, pas une enlacée de peaux froids proches d’un feu éteint.

Aéris se tendit au terme de mission. Elle savait ce que c’était. Elle n’avait pas besoin de contempler le Froid et ses murmures pour le deviner. Aéris n’était ni une combattante, ni une chasseuse. Elle était une devineresse qui était effrayée de cette voix qu’elle n’entendrait pas, n’entendrait plus. Elle détourna le regard. « Je te suis reconnaissante du temps que tu m’as donné. » Aéris n’était pas stupide. La générosité n’existait pas au Nord. Mais. « Je ne sais pas si je suis prête. » C’était du suicide, de reconnaitre ainsi sa faiblesse dans l’utilité qui l’avait maintenue en vie jusqu’à présent. Aéris contempla le bas de la falaise, se demanda si Sejuani la jetterai sous la colère d’un refus.

Était-elle supposé le voir, elle qui n’avait même pas été capable de deviner quand son mentor aurait péri ? Aurait-elle était capable de l’éviter, si seulement elle l’avait perçu ?

Si elle devait être honnête avec elle même - à défaut de l’être totalement avec les autres - Sejuani aurait du avouer qu’elle préferait les moments où la devineresse n’était pas dans le clan, ou du moins pas face à elle. Car les masques tombaient plus rapidement en présence de personnes que l’on appréciait, et Sejuani ne pouvait pas se permettre de ne pas être forte tous les jours, à toutes les heures, y compris quand elle dormait. La compagnie n’était cependant pas déplaisante, sans quoi les mains de l’outrecuidante osant la toucher, elle et sa parure de cuirs et de métal, auraient été déja tranchées dans un mouvement brutal. Quelques instants durant les quels ses yeux se posérent sur la femme aux cheveux blancs, puis sur les mouvements de ses mains habiles malgré leur manque. Il y’avait un coté fascinant et presque doux à laisser quelqu’un s’occuper d’elle de cette manière, alors Sejuani céda, et l’espace de ces quelques moments elle la laissa faire. 

Leger éclat presque semblable a un rire - elle le nierait si quelqu’un le lui faisait remarquer - à l’evocation de son sanglier et ami. « Qui sait, peut être qu’il t’apprécie assez pour se soumettre à de telles actions. » L’espace de quelques instants où l’on pouvait oublier si elle parlait réellement de Bristle ou bien d’elle même, laissant filer des mots qu’elle ne se permettrait jamais d’avouer. Elle était transparente pourtant Sejuani, sauf sur le sujet des personnes qu’elle pouvait tolerer (apprécier). Car s’attacher était une faiblesse et l’affection pouvait l’être tout autant. Et plus que tout, Sejuani ne pouvait pas s’autoriser à être faible.

Lentement néanmoins ses mains non gantées glisserent sur les avants bras de la pretresse, en une touche délicate et éphèmere. Celle ci recula, et d’autres mots furent echangés. Cette fois le sourire sur les lèvres de la colère de l’hiver était amer plus que tout. Le jeu et les plaisanteries n’avaient plus leurs places ici et la reflexion d’Aéris ne trouva qu’un grognement semblable à celui d’un animal. Sejuani n’était plus disposée à plaisanter, elle pensait à la mission, qui s’offrait à la jeune femme, et aux problèmes que pouvait rencontrer le clan. Aux problèmes aussi qu’Aéris pourrait rencontrer.

Aéris qui se tendait sous le regard glacé de sa cheffe de clan. Aéris qui - Sejuani le savait - aurait peut être eu besoin de davantage de temps. Aéris qui cependant n’avait pas vraiment le choix. Sejuani se tendit elle aussi, davantage que ce qu’elle était. Colosse de glace et de résolution. « Je ne te demandes pas si tu es prête. » Il y’aurait pu avoir d’autres réponses, l’impatience latente se créant un sillon dans les mots de la Sublimée. « Tu ne seras pas plus prête dans deux jours, ou dans deux semaines. Et le clan a besoin de toi. » Ses mots n’étaient que rarement contrés, et elle esperait ne pas être défiée. Cependant, ce n’était pas pour rien qu’elle avait choisi un endroit loin de tout, loin des regards et des oreilles indiscretes. Cette conversation concernait le clan certes, mais le rapport de force les concernait toutes deux.

Les éclats de douceur ne duraient jamais, fragilité ultime de leur monde de glace. Raison pour laquelle Aéris les chérissait, tout en pensant qu’elle ne les méritait pas. Sejuani avait besoin de quelqu’un de fort à ses côtés – si seulement avait-elle besoin d’une personne de chair. Elle avait déjà Bristle et parfois Aéris doutait que la colère de l’hiver aime une autre créature tout autant que sa monture. Ainsi, les charmes à partir du sanglier géant était une manière de se rapprocher de l’affection que Sejuani pouvait porter aux autres. Là était le réel charme.

Oui, Sejuani avait besoin de quelqu’un de fort à ses côtés. Aéris n’était pas ça. Elle était faible, elle était hésitation. Surtout, Aéris n’était pas prête à retrouver l’embrassade du froid, la seule qu’elle méritait réellement dans ce monde. Rien ne se montra sur son visage quand elle constata qu’elle avait toujours ses deux pieds au sommet de la falaise, et que Sejuani ne lui avait fait subir aucun mauvais traitement. Aéris n’oserait pas pousser le vice. Remettre en question l’autorité de la colère était assez pour s’attirer son ire. La voix de la manieuse du fléau était déjà une porte ouverte sur son péché capital.

« Bien entendu, tu serais une bien mauvaise cheffe si tu demandais, au lieu d’ordonner. » Et c’était calme, posé, observé. Ce n’était pas mordant, combien l’amertume réchauffait le creux du ventre d’Aéris. « Nous ne voulons pas ça. » Et finalement ce fut une grimace qui marqua son visage marqué par le givre constant. « Je n’ai jamais été prête pour rien. » Ni pour sa naissance, ni pour la violence de sa mère, de son exil, de la disparition de son mentor. Ni pour ce qui l’attendait dans le ventre du blizzard qui s’annonçait en des nuages menaçant à l’est. « Ça ne m’a pas empêché de servir le clan. Te servir toi est une autre histoire. » Aéris ne comptait pas ses expéditions dans le froid et l’abandonné qu’elle avait faites au nom de Sejuani. Les interrogations qu’elle avait porté à la magie de ce monde. Sa loyauté n’était pas remise en doute. C’était sa personnalité entière, son existence qui était constamment jugée, puisqu’elle ne maniait aucune arme.  

Aéris expira par la bouche, son souffle se formant en une volupte grise. « Je ne pousserai pas mon affront plus loin. Que veux-tu savoir ? » Quel serait l’objet de sa divination dans laquelle elle était poussée, celle qui aurait raison d’elle.  

Si il y’avait quelque chose que Sejuani détestait plus que tout, c’était qu’on lui tienne tête, ou que l’on oublie à qui on s’adressait. Elle n’avait pas la grosse tête ou trop d’égo du à son statut de cheffe de clan, elle s’était battu pour avoir le droit de l’être, elle s’était battu et elle avait gagné, le mérite et les responsabilités. Si elle donnait des ordres, c’était pour le bien du clan, et jamais par volonté pure ou personnelle. Jamais par égoïsme. Alors, remettre en question ses décisions, c’était remettre en question le clan tout entier, et ça, elle ne pouvait le supporter. Quelques instants, une colère se leva en elle, menaçante, violente, et l’envie de jeter Aeris du haut de ce surplomb fut présente. Fugace. Mais présente. Fusse sa retenue personnelle, ou l’affection qu’elle pouvait avoir pour la femme en face d’elle qui retenu sa main ? Personne ne le saurait jamais.

Ses yeux de glace se posèrent sur elle encore une fois. Mâchoire serrée. Visage impassible. Ses mots étaient des ordres et Aéris ne le savait que trop. Un silence se fit de la part de la colère de l’hiver, et elle attendit qu’ils creusent leur chemin dans l’esprit de sa prêtresse. Un vent glacé se leva derrière elles, prêt à les glacer dans l’éternité de leur défiance.

« Nous ne voulons pas ça non. » Les mots étaient la, et l’air demeurait froid, sans que Sejuani n’en sois affectée. Sublimée. Cheffe de clan. Elue d’une prophétie. Les épaules étaient larges et le poids des culpabilités et des responsabilités l’était tout autant. Les mots d’Aéris faisaient mouche néanmoins, et la colère de l’hiver senti ses épaules se tendre. « C’est néanmoins le clan qui a besoin de toi aujourd’hui. » Des mots aussi clair que la glace sur la quelle elles se trouvaient. Des mots. Froids et coupants. Des mots que Sejuani regrettait de ne pas savoir enrober de tendresse et de chaleur. Peut être aurait elle pu, dans un autre monde, a un autre moment. Mais elle n’était ni tendre ni douce, elle était glaciale, et tout ce qu’elle faisait le restait d’autant plus.

« Ton affront aurait pu se solder par ta mort. » Elle jugeait bon de rappeler à la liseuse de glace ce qu’il aurait pu en couter a d’autres. Et peut être se persuaderait elle que c’était parce que son don était precieux qu’elle ne l’avait pas abatu. Ou peut être que plus tard, elle se souviendrait de ce moment comme de celui où elle aurait du dire autre chose, faire un autre choix. Le choix était néanmoins celui ci, une mission s’imposait, et la survie de tous était supérieure au bien être d’une seule.

« Je veux des informations sur Ashe, sur son clan et ses alliances. Depuis bien trop longtemps les Avarosans menacent l’intégrité de Freljord. » Yeux glacés chargés de ressentiment, Sejuani fixa les pupilles claires d’Aéris. « Te sens tu…. Prête pour cette tache ? » Elle insista sur le mot, comme un rappel a leur conversation, comme un rappel à leur opposition.

Ton affront aurait pu se solder par ta mort. Ce fut le seul et unique frisson qui l’agita dans cette gestuelle bien du Nord. Aéris ressentait à peine le froid. Mais il y avait des propos encore plus corrosifs que les vents violents de leurs terres natales. « Tu viens de perdre une devineresse. Surement tu ne voudrais pas en perdre une deuxième en si peu de temps. » Peut-être était-ce la disparition de son mentor qui la rendait à nouveau revêche. Les propos de Sejuani avaient fait mouche : Aéris ne voulait pas mourir, même si le Loup et l’Agneau viendrait à elle un jour. Tout ce qu’Aéris avait fait été pour la survie.

Surtout, qu’importe ce qu’Aéris faisait, la menace de mort planait au-dessus de sa nuque. Ses mains estropiées était un constant souvenir. Être utile n’était pas suffisant. Les combattants qui l’entouraient était un constant souvenir. Être fort n’était pas suffisant. Kindred venaient pour elles toutes.

Aéris ne savait juste pas que la dualité mortelle était plus proche qu’elle ne le pensait.
Elle aurait dû se connecter au froid une dernière fois.

Mais il était trop tard et maintenant son don était utilisé pour un espionnage qui ennuyait Aéris, mais dont elle ne montrait rien. C’était pour le clan, pour la survie de ces âmes qu’elle apportait divination et vision. Et ça, elle y croyait assurément. Surtout, elle prit le ressentiment visible de Sejuani à la notion d’Ashe personnellement. Comme si Sejuani ne la croyait pas capable d’y arriver.

L’ultime question lui fit hausser son sourcil. « Mon opinion n’a pas changé, warthmother. Mais j’ai entendu les propos de notre cheffe. » Elle avait dit que son affront s’arrêtait là. A l’image de ses propos, elle prenait une déférence distante, qui jurait avec la proximité avec laquelle elle avait attaché le charme de Bristle. « Je ne serai jamais prête, mais je réponds à l’appel du clan. » Elle défit les boutons du manteau de son mentor. D’un geste d’épaules, fit glisser la fourrure de ses bras. Son dos nu fut révélé, vierge de cicatrice de combat. Une autre preuve de son statut privilégié. Le frisson s’empara de son corps, de sa peau, armure de froid. « Pour la gloire de la Griffe. » Et elle ferma les yeux.

L’amertume de la femme en face d’elle n’érodait pas la determination de Sejuani. Peut être que si elle avait été elle même une prophétesse, que si elle avait lu le destin, elle aurait sû, peut être qu’elle n’aurait pas envoyé Aéris dans cette mission, ou peut être — et plus tard elle se détesterait de penser ça — qu’elle l’aurait tout de même fait. Car les décisions pour le clan passaient au dessus de tout le reste. Il en était ainsi. Toute autre préoccupation personnelle ne servait et ne menait à rien quand le futur du clan était en question et en cause. Sejuani tiendrait bon la dessus, qu’importe les regrets qui puissent lui être emmenés plus tard, lors de nuits plus froides que d’habitude. Elle n’y pensait pas maintenant. Elle essayerait de ne pas y penser plus tard.

« Je ne le voudrais pas non. Mais une prophetesse qui refuse de faire son devoir n’est qu’une faible de plus. » Propos capables de brisés, prononcés sur un ton sans équivoque. La guerrière au fléau gardait son air droit et fier, figure impassible face a l’amertume et au rappel de la perte. Elle n’avait que faire de quelques suppliques ou de quelques craintes, Sejuani, et elle restait sourde à cette voix qui lui disait qu’il était trop tot pour la devineresse de se remettre au travail. Elle restait sourde à n’importe quelle demande, car elle savait elle, qu’il était bon que les choses se fassent maintenant. Sur l’heure.

Les ordres étaient donnés maintenant, et si Sejuani se voyait nimbée d’une aura de colère qui concernait Ashe tout principalement, elle tenta néanmoins de le cacher. Aéris savait, parce que Sejuani le lui avait dit, tout ce qu’il y’avait à savoir de la trahison de la descendante d’Avarosa. Aéris savait, parce que Sejuani le lui avait dit, toute la douleur et l’amertume que pouvait ressentir la guerrière au fléau par rapport à cette femme qu’elle avait aidé, cette femme à qui elle avait et aurait tout donné. Ashe avait été importante dans le coeur de la colérique chef de la Griffe, et Ashe en avait profité pour y planter une flèche de glace qui avait en avait gelé tout l’organe palpitant.

Une machoire se serra, puis se relaxa en même temps que des épaules qui portaient bien trop.
« Le clan saura s’en souvenir. » Elle saurait s’en souvenir. La déférence l’aurait presque ému si elle n’avait pas fait suite à tant d’affronts, si elle n’avait pas fait suite à ce défi qu’elle avait - malheureusement pour le futur - gagné. Avec respect les yeux de la Chef de guerre regarderent la femme se dévetir et reveler un corps qu’elle connaissait déja. Un corps qu’en d’autres temps elle avait marqué de légères griffures qui ne se voyaient plus. Un corps dont elle connaissait la douceur et les cotés plus durs. Elle resta impassible. Une fois de plus.

« Pour la gloire de la Griffe. » Les mots furent murmurés, et Sejuani hocha finalement la tête. « Le clan attendra ton retour. » Elle. Elle attendrait son retour. Car il y'avait cette communion avec le froid, et ce blizzard qui menacait, et elle ne pouvait s'y enfoncer avec elle. Elle aurait du. Les choses auraient été differentes alors.

Non, le clan ne se souviendrait pas d’une devineresse de plus tombée dans le néant, car le clan vénérait les guerrières fortes et fières qui forgeaient le monde avec leurs armes. Les autres n’étaient que des lettres et des ponctuations dans les contes qui traversaient le temps, jusqu’à l’oubli. Sejuani n’avait rien à lui apprendre sur les traditions, sur les reconnaissances de leur tribu. Car Sejuani était le personnage principal, non pas de celleux qui racontaient les histoires. Sejuani faisait les histoires. Sejuani, aussi, faisait des erreurs, comme celle de pousser une devineresse qui exprimait ses doutes.

Ce qui était dit ne devait pas toujours être écouté.
Aéris le savait bien.

Quand elle ouvrit ses yeux, ils brillaient de l’éclat de la divination, nuage bleuté qui recouvrait le devant de ses iris. Son manteau fut définitivement abandonné sur le sol de glace et Aéris ne se retourna pas. Elle savait que son mentor était mort, aucun morceau de vêtement ne la ramènerait. Car il n’y avait que le silence autour d’elle, insupportable.

Sans un mot de plus, Aéris abandonna Sejuani, pour longer la descente de la falaise, passer par leurs accommodations et rejoindre l’est, accompagnée de deux âmes qui seraient également perdues dans le blizzard.