Il avait fait froid aujourd'hui. Il avait plu toute la journée, en fait, et il pleuvait encore.
Quand Talon rentra au manoir Du Couteau, il était trempé et ses vêtements étaient poisseux. On entendait aux fenêtres la pluie qui tombait sans relâche, engloutissant les trottoirs sans aucune pitié, frappant aux carreaux comme pour essayer de s'inviter à l'intérieur. La chute des cieux qui s'était bien étendue adoptait un rythme maintenant, devenant fluide, sonore, musical, innombrable et universel. Toute la journée il l'avait enduré, se promenant de toits en toits sous les gros nuages gris, prenant en filature un haut fonctionnaire noxien pendant des heures pour que tout cela soit finalement vain. Il n'a pas appris des choses en plus aujourd'hui, à son grand regret.
À dix-huit heures trente-huit, l'assassin se faufilait dans la demeure par sa fenêtre à laquelle il avait mit un mécanisme spécifique pour pouvoir l'ouvrir de l'extérieur, un mécanisme tout de même caché que seul lui connaissait. Il s'était hâté de se débarrasser de ses habits qui collaient désagréablement à sa peau une fois dans sa salle de bain, jetant tout au sol avant de s'étirer. Ses muscles étaient raides à cause des conditions difficiles de la journée et le bain chaud, déjà prêt pour lui car les servants de la maison connaissaient bien ses heures de retours, l'aida grandement à se détendre tout entier. Il se laissa couler dedans, refermant ses paupières lourdes en reflechissant à des pistes qu'il n'avait pas encore exploré. Elles étaient extrêmement rares. La vérité lui échappait tout le temps, et ça le frustrait de plus en plus. Surtout qu'en ce moment, il y avait une sorte d'agitation palpable dans l'air depuis que les bidonvilles de Noxus ont été attaqués.
A dix-neuf heures tapantes, Talon vêtu d'un gros pull sombre et d'un bas en toile de la même gamme de couleur, passa le pas de la porte pour entrer dans la salle à manger déjà mise en place pour lui. Le fils adoptif des Du Couteau était paradoxalement celui qui rentrait quotidiennement sauf quand il ne partait pas en mission dans d'autres terres, alors qu'il n'était même pas né dans la famille. Des neufs chaises présentes autour de la table, il n'y avait les couverts et les plats rien que pour une seule place qu'il occupait. S'asseyant, les yeux vitreux, l'assassin sembla reprendre un peu de sa conscience quand il put enfin humer le parfum de la nourriture.
Il ne mangeait que deux fois : le matin avant de partir, et le soir en rentrant. Talon faisait par ailleurs plutôt attention à son régime alimentaire, précautionneux de ce qu'il ingurgitait car il croyait sincèrement que ça avait son importance dans ses performances. Il devait manger ni trop peu, ni trop pour pouvoir être au meilleur de lui-même. De la viande, mais aussi des légumes.
Une servante versa un liquide rouge dans sa coupe, de l'hypocras. Elle remplit le verre à moitié avant de s'incliner légèrement et de s'éclipser, sans un mot parce que c'est exactement ce qu'il voulait.
Devant lui, une multitude d'assiettes fumantes se présentaient et il les observa une à une. D'abord, en entrée, il y avait trois artichauts farcis, puis, un potage de viande bouillie et de légumes dans un joli bol creux de céramique. Pour le plat principal, il avait ce soir une cuisse de chapon mariné et grillé ainsi qu'une aile, et enfin pour dessert, des darioles et une poire. Parfait.
L'assassin se redressa et attacha d'un geste ses cheveux bruns mi-longs. D'abord, il récupéra sa fourchette et son couteau de manière presque religieuse mais il lui suffit d'une bouchée pour casser l'atmosphère solennelle. Dès que sa langue venait goûter à ces mets exquis, il y avait comme en lui une sorte de secousse violente le poussant à redevenir le gosse des fonds des égouts qu'il était. C'était tout comme si l'enfant était rappelé, et que l'adulte le permettait de prendre le dessus.
Il avait fait une sorte de pacte avec lui-même, se promettant que devant quelqu'un d'autre il ferait l'effort de manger poliment puisque c'est ce que le Général lui avait demandé de faire, mais quand il était seul comme c'était tout le temps le cas, Talon se permettait de redevenir un gosse. Il mangeait tout avec les doigts, jetait les aliments dans sa bouche comme un animal, mastiquait bruyamment la viande en gardant la bouche ouverte. Penché, presque recroquevillé face à la table, il se nourrissait avec une rapidité barbare, dévorant tout ce qui lui passait sous la main, prenant de temps en temps de grosses gorgées d'hypocras et mordant avec force dans le pain près de lui.
Sam 15 Oct - 16:41
Katarina Du Couteau
NOXUS
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Bouchées doubles
Ft. Talon
Devant elle s'ouvrait la porte de son manoir, ne laissant échapper qu'un bas vrombissement. Le mécanisme bien huilé était un piètre garde, n'annonçant qu'à peine l'arrivée de la maîtresse de maison. Elle avait un accordé un bref regard au portier, comme pour vérifié qu'il s'inclinait devant elle, comme sa fonction l'y oblige. L'air sévère sur son visage agitait l'équipe de maison. Avait-elle passé une mauvaise journée? Un mauvais voyage? Peu importe, tous savaient que traîner oisivement pour investiguer la nature de l'expression de Katarina Du Couteau était une grossière erreur. Et, surtout, c'était l'heure du dîner, et rien n'était prévu pour un second couvert.
Donnant nonchalamment son parapluie à un servant, elle laissait la lumière la mettre en valeur. Elle prenait un temps pour observer le manoir, constatant l'ordre régnant dans celui-ci. Son regard émeraude rasait la pièce, et ne laissait paraître une once de satisfaction, bien que rien ne semblait anormal. Et elle se mit en route. Sa démarche était décidée. Le son grave des talons de ses bottines se heurtant au sol résonnaient dans les couloirs, tel un sinistre et entraînant métronome, qui rythmait le personnel du manoir, qui s'agitait en coulisses pour servir la maîtresse de maison un plat digne de ce nom.
En réalité, elle savait très bien ce qu'elle faisait, et jubilait de l'intérieur. L'enfant gâtée était toujours présente, au fond d'elle, et elle appréciait le soin et les efforts que lui accordaient les autres. Elle s'imaginait souvent, à ses heures perdues, une vie où elle était reine et avait des légions de sujets lui obéissant au doigt et à l'oeil. Que ses servants lui aient préparé ou non un repas, ça lui était bien égal. Ce qui l'amusait, c'est de les voir courir dans tous les sens, comme des fourmis, pour elle.
Katarina n'était pas particulièrement de mauvaise humeur. En réalité, elle était même plutôt contente d'être finalement rentrée. Bien entendu, elle était ravie de servir Noxus, peu importe ce qu'on demandait d'elle. La loyauté et la dévotion qu'elle portait pour l'empire n'avaient aucun lieu d'être questionnées, cela dit, il était dur de ne pas ressentir un sentiment particulier en rentrant à la maison, n'importe qui pourrait en attester. Pour l'assassin aux cheveux rouges, c'était d'autant plus vrai, étant donné les beaux souvenirs qu'elle avait eu dans ce manoir.
Elle savait qu'elle n'aurait pas à faire une scène. L'équipe de maison avait beau avoir l'air de s'agiter comme une bande d'amateurs, il n'avaient jamais manqué de lui préparer un bon repas. Cela dit, lorsqu'elle passait le pas de la porte de la salle à manger, elle l'aperçut, là, penché sur son assiette, ses doigts et sa nourriture se confondant dans sa bouche. Il avait déjà le regard tourné vers elle, bien qu'il soit difficile de le déceler au travers des mèches brunes lui tombant sur le visage.
Katarina constatait l'état dans lequel se trouvait son frère. Elle était heureuse de le voir, il est vrai, mais ses manières bourrues ne manquaient pas de la faire reconsidérer l'idée de dîner. Elle s'avançait vers lui, la démarche un peu plus lente qu'auparavant, plus dramatique. Elle pensait faire durer ce moment où elle le "surprenait" dans cette position, cet état un peu pathétique. Bien sûr, lui, sûrement, n'était pas dérangé. Mais elle appréciait tout de même la situation. Tenant ses coudes sur ses paumes, elle le dévisageait. De près, elle remarquait sa tenue simple, comparable à celle d'un servant, de couleur unie, sans aucune saveur. Elle se prétendait exaspérée, mais tout cela n'était rien de surprenant, pour Talon. Au contraire, elle serait inquiète si quoi que ce soit était différent. Elle finissait par perdre son air dur, au profit d'un rictus presque moqueur, plus honnête que son expression précédente.
- Tu pourrais faire un effort, tout de même. Déclarait-elle, nonchalante, non sans un certain mépris.
L'agitation de l'équipe de maison finissait par payer, alors que la rousse prenait place à table, en face de son frère, plusieurs servants s'attelaient, déposant devant la maîtresse de maison une première assiette, ainsi que le reste de son couvert. En entrée, une salade de pomme de terre simple, décorée d'herbe aromatiques et assaisonnée d'épices. Elle retrouvait immédiatement son appétit, alors que les servants, après s'être inclinés, retournaient en cuisine, la pression à peine redescendue.
Au contraire de Talon, pour qui ils avaient eu le temps de se préparer, ses assiettes viendraient sûrement l'une après l'autre. Mais elle n'était pas si mesquine qu'elle se dépêcherait de manger. Après tout, il y avait, au travers de son petit frère adoré, une toute autre façon de s'amuser. Elle plantait son regard sur le visage de son vis-à-vis, l'air amusé, alors qu'elle attrapait ses couverts avec toute la grâce de sa mère, comme pour se moquer de son manque de manières, et entreprenait son dîner.
Codage par Libella sur Graphiorum
Mar 22 Nov - 19:57
Talon Du Couteau
NOXUS
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Localisation : Noxus
Bouchées doubles
Katarina & Talon
Talon se régalait. Penché au-dessus de la table, l'assassin se laissait aller à des manières bourrues comme un animal, relâchant ainsi une journée entière de tension. Depuis l'aube, il s'était affairé dans la ville, capuche sur la tête pour se faufiler tantôt dans l'ombre, tantôt dans les archives de la capitale pour dénicher quoi que ce soit à propos de son père, ou bien à propos de cette sorte de corruption qui gagnait peu à peu les bidonvilles de Noxus. Quand le soleil se couchait et qu'il rentrait enfin, tout dégorgeait de lui à l'instant du repas. Il se sentait libéré, et enfin au repos après son dur labeur. Le garçon récupéra entre ses doigts, sans utiliser de couverts, un artichaut farci qu'il jeta dans sa bouche avant de le mastiquer fermement, le regard se nourrissant aussi de la présence de la viande, du potage, et de cette cuisse de chapon. Il ne put plus se retenir, et avait saisit de pleine paume l'os pour venir mordre dans la chair de la volaille, arrachant sa peau avec ses incisives. Sa langue jeta en arrière pour le plaisir de ses molaires ce qu'il avait en bouche, et il ne se faisait pas timide à produire tous les bruits de mâchements incessants. Il avait tout l'air d'un prédateur dévorant enfin une proie qu'il avait chassé, et pour lui, c'était tout comme. Sa journée à courir était récompensée à cet instant-là, cet instant de calme, de saveurs et...
Katarina.
Une cloche sonna dans son esprit.
Qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire ici, à cette heure-ci pensa-t-il, comme si ce n'était pas son manoir à elle aussi, et peut-être même un peu plus à sa personne qu'à la sienne.
L'os encore en bouche, les dents refermés sur la viande, Talon mit quelques secondes avant de retirer peu à peu la cuisse et de déposer celle-ci sur l'assiette. Très vite cette fois-ci, il récupéra une serviette en tissu et essuya ses phalanges grasses, puis, le contour de sa bouche sans la regarder. Enfin, l'assassin prit une gorgée d'hypocras, se racla la gorge et releva son regard brun vers la rousse.
"— Je ne savais pas que tu étais... À la maison, aujourd'hui. "
Il s'efforçait d'articuler ces mots de la manière la plus polie et diplomatique possible. Entre elle et lui, ça n'a pas toujours été simple, voir jamais. La première fois qu'ils se sont rencontrés, le général l'avait envoyé pour la tuer. Cette vilaine cicatrice traversant son œil, c'est lui qui le lui a faite. À chaque fois qu'ils étaient face à face, cette trace était un rappel de leur altercation violente et plus encore, de son second échec. Le premier avait été commis lorsqu'il n'avait pas réussi à vaincre Marcus, le second, sa fille.
Pourtant, c'était justement parce qu'il n'avait pas vaincu ces personnes qu'il les respectaient. Katarina avait survécu, et elle était la fille de celui qu'il considérait comme son père. Alors, forcément, il ne pense jamais rien de réellement mesquin à son sujet. Elle n'est certes pas la femme la plus agréable du continent, ni la plus intelligente selon lui, mais elle reste sa soeur, en quelques sortes.
Vêtu de son gros pull noir qu'il ne mettait qu'entre ces murs, il se sentait assez mal à l'aise, comme un gosse prit la main dans le sac pour être habillé de manière si décontractée en plus de manger comme un animal sauvage affamé.
"— Tu ne rentres pas souvent, souligna-t-il pour sa défense. C'est rare de t'avoir à l'heure du repas. Que faisais-tu, ces derniers jours ?"
Cette fois-ci, il récupéra ses couverts d'argent. À l'aide sa fourchette, il récupéra un peu de légumes qu'il dégusta ainsi, prenant tout le temps de mâcher, bouche close. Talon l'observait directement, sans peur ni timidité, affrontant ses yeux d'émeraudes alors qu'il amorçait cette conversation maladroite entre membres d'une même famille. Le noxien gonfla ses poumons d'airs après avoir dégluti sa nourriture, reposant son couvert pour poser ses deux coudes sur la table. Ses avants bras s'allongèrent sur le bois noir couvert d'une agréable nappe, et alors, son regard se plissa un petit peu comme s'il cherchait à mieux détailler cette femme.
Sa paume de main toute entière passa de son menton à sa joue, et un frottement put se faire entendre à cause de sa barbe récente qu'il n'avait pas encore rasé, mais ce dont on pouvait être sûr c'est qu'il le ferait dès ce soir de manière presque religieuse, car il tenait tant à son hygiène personnelle, cela passant pour lui, par un rasage précis et récurrent.
"— Tu n'avais plus d'endroits où aller ?"
Pour certains, cela pourrait sonner comme une provocation, mais dans l'esprit de Talon, c'était une simple question dénuée de tact.
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