Stairway to Heathens — PV Renata — Eté 997

La faible luminosité vacillante qu'offraient les rares lampes anémiques de ces ruelles perdues de l’entresol gênait encore un peu les mouvements de l’expatrié dont l’arrivée définitive, en tout cas pour un moment, était encore récente. Encapuchonnée et pressant modérément son pas en direction de la maison qu’elle occupait désormais, la jeune femme se fit interpeller par un homme à l’accoutrement neutre et humble. Elle tenta d’abord de l’esquiver et de l’ignorer mais l’homme fini par s’interposer entre elle et son chemin. Puis, en l’espace de quelques mots, une poignée d’instants comme figés dans le temps, il lui tendit une simple carte avant de disparaitre, comme s’il n’avait jamais été là. Adelynn examina cet étrange objet sur lequel était dessiné un emblème qu’elle reconnut, celui des industries Gasc. Au dos un lieu, une date et une heure figuraient, sans aucun autre détail.

La voilà, assise sur le siège assez confortable de ce café de la Promenade. Paralysée dans ses actions par les événements récents, le meurtre du seul ami qui ait réellement compté pour elle, sa traque par la justice et les pacifieurs de Piltover et même récemment l’attaque meurtrière de la brume et l’explosion qui s’en ai suivi…  Elle s’était finalement décidée à se rendre à cet étrange rendez-vous auquel on l’avait convié. Dès son arrivée elle entreprit de faire croire que son arme n’était qu’un bâton de marche mais aucune question ne lui fut posé, on l’emmena ici, à une petite table ronde vers le fond, comme si tout était déjà prévu, presque déjà écrit. Observant tout cela d’un œil inquiet en tapottant la table de ses doigts, Adelynn n’aimait pas cette sensation, celle d’être spectatrice des évènements qui se déroulaient autour d’elle, laissée sans influence. Elle en avait déjà souffert assez de fois. Qui que ce soit qui dans cette industrie techno-chimique voulait s’entretenir avec el-… celle qu’elle était devenue, allait avoir à présenter des explications. Et des bonnes.

Adelynn allait en effet répondre par la négative quand l'élégante femme masquée aux yeux roses s'assied à sa table et lui demanda si elle allait commander quelque chose. Mais avant qu'elle puisse n'émettre le moindre mot, la femme avait déjà demander l'attention d'un pauvre serveur à l'attitude fuyante et débordée. Adelynn n'avait eut aucun mal à reconnaitre les descriptions de la dame Glasc que lui avaient fait les Zauniens lors de ses nombreuses visites dans la ville basse avant qu'elle ne devienne un ennemi public de la cité du si grand progrès. Son attention avait tout de suite été attirée vers cette personne même avant qu'elle ne puisse la voir pour être exact. La cadence de son pas assuré sur les pavé, d'une démarche de ceux qui ne craignent rien et se pensent intouchable, d'une démarche de ceux qui ne manquent de rien et cependant désirent toujours plus de pouvoir et de reconnaissance, d'une démarche qu'elle même avait possédé autrefois. La démarche de ceux de la haute, barons de la chimie ou nobles patriciens, sur ce point ils étaient les mêmes.

La fugitive écouta Renata déballer calmement ses éléments de langages dont elle devinait que leur buts étaient de la rassurer de de s'assurer qu'elle soit plus à même à réfléchir à une future proposition de sa part. La scène qui fut démarrée avec le pauvre serveur attira bien davantage son attention, une légère crispation pouvait se ressentir chez elle alors que son regard plus tranchant laissait deviner qu'elle n'appréciait guère la situation qui se déroulait devant elle.

Mademoiselle Raygan, qu’êtes vous prête à me donner en retour de mon aide ?

La voilà, la question tant attendu, celle qui annonçait probablement un point de non retour à venir alors qu'Adelynn ressentait déjà qu'il y avait de grandes chances qu'elle ressorte de ce café soit avec un nouvel ennemi soit en ayant sacrifié une part de sa liberté pour ses idéaux, à moins qu'elle ne se voit contrainte à l'inverse...

"Je m'appelle Rayegan. Pas Raygan. Mais si vous savez qui je suis, vous savez déjà ce que dont je suis capable et ce dont vous attendez de moi. Je suis plus intéressées par d'autres questions et surtout par leurs réponses. Vos réponses. C'est donc ce que vous faites? -dit-elle en indiquant d'un furtif mouvement de tête le serveur se tenant un peu plus loin- vous mettez des gens face à des choix impossibles et vous leur proposer leur dévotion à votre cause en seule porte de sortie ? Vous devez en savoir bien moins sur moi que ce que je pensais si vous pensiez que ce tour allait me plaire. Ce qui me fait venir à ma première question. Qu'est-ce que vous voulez de moi ?"

La femme se tenait sérieuse et alerte, prête à tout moment à agripper son arme si le besoin s'en faisait ressentir. Cette discussion face à un serpent au visage d'agneau promettait d'être tendue.

Les tournures de phrases et le ton employé par la baronne ne lui plaisait guerre. Cette sensation que sous cette politesse de façade se cachaient une verbe cherchant à la mettre dos au mur, à la réduire et lui donner l'impression qu'elle était acculée, sans échappatoire possible. Diverses réflexions se bousculaient dans son esprit, cherchant à imaginer les réelles intentions de la baronne. Cette dernière devait forcément avoir quelque chose a gagner dans cette affaire. Voulait elle simplement l'utiliser comme relais de son image propagandiste à Piltover, avait-elle le souhait de recourir à ses talents créateurs d'ingénieure ou bien... cela pouvait toujours être une façade et un moyen de gagner du temps, il était bien possible que Glasc l'ait dénoncé aux autorités et ne l'ait invité que pour pouvoir la leur livrer afin d'obtenir leur confiance. Mais si cela n'était pas le cas, rien n'empêcherais la baronne de la dénoncer par la suite si elle refusait ce marché ou si elle désobéissait à quelconque ordre après l'avoir accepté. Cette promesse de prouver son innocence devant la justice lui aurait paru naïve venant de quelqu'un d'autre, mais venant de Glasc, Adelynn se doutait que cette dernière devait bien avoir conscience de l'impossibilité de cette tâche. Dès lors qu'elle savait désormais à quoi elle ressemblait, Glasc était devenu une menace pour elle. Une menace dont Adelynn ne pouvait pas s'occuper sans signer son arrêt de mort.

Cependant, il lui était inconcevable de vendre sa liberté, son savoir ou son image à quelqu'un qui s'amusait de contrôler la population comme d'innombrables pions pour son enrichissement personnel. Elle ne connaissait pas Renata Glasc personnellement mais cette entrevue, la discussion avec ce serveur et ce qu'elle avait pu entendre lors de ses anciennes descentes à Zaun suffisait. Pour Adelynn, aucun baron ou aucune baronne ne resterait jamais bénévolent, pas quand leur profit ou leur petit confort était mis en jeu.

"Je vais être claire, Madame Glasc. Pour répondre à votre question, je n'ai plus rien à perdre et je ne reculerais devant personne pour obtenir justice."

La jeune femme se leva de son siège et laissa sur la table quelques crédits pour le café qui lui avait été servit et lui aurait certainement été offert.

"Mais je ne travaillerais pas pour vous. Nous avons peut être des ennemis communs, mais cela ne fait pas de nous des alliés."

Adelynn offrit un regard au serveur avant de le rapporter sur Glasc avant de marcher jusqu'à son côté et de baisser le ton pour être certain que personne d'autre, que ce soit ce pauvre serveur ou un espion potentiel, ne puisse entendre ce qu'elle allait dire.

"Nous ne sommes pas alliés. Désormais il ne dépend que de vous pour vous assurer que nous ne deviendront pas ennemis. Si vous saviez où me trouver vous seriez venu me chercher chez moi. Je n'ai plus rien à perdre et je sais où sont vos entreprises, mais vous, vous ne savez rien de moi. Ne cherchez plus à me rencontrer, n'envoyer personne me rechercher et ne dévoilez pas mon identité."

Sur ces mots, le cœur battant et le poing serré sur son arme présenté en bâton de marche, Adelynn s'avança vers la sortie de ce café, s'arrêtant une seconde devant la porte. Cela probablement en recherche d'une quelconque troupe de pacifieur qui se lancerait à sa poursuite dès qu'elle sortirait ou alors pour entendre une ultime réponse de la baronne.