Les abords du disque solaire étaient un endroit très particulier de ce que Maria put percevoir à travers ses bandages. D'immenses sources d'énergie y étaient présentes, partout et nul-part à la fois, tari et pourtant phénoménale. Ici, comme dans d'autres grandes cités, elle supposait que les piques de ces puissances dévoilaient les endroits les plus importants parmi les vivants, car celles d'apparence amoindries recelaient généralement bien des cadenas qui ne demandaient qu'à être ouverts afin de dévoiler tout leur potentiel. Or, cela était rarement de bon augure, les gérants de la région ou de la cité préféraient garder cela à l'abri de tout soupçon et regards indiscrets, pour peu qu'ils en eussent conscience, sinon, elles étaient la convoitise des plus vils, assurant alors une puissance effarante. C'était surtout ce que l'embrasé avait appris durant sa vie, le bastion immortel étant le parfait exemple. Là où les sources de magies étaient les plus actives, représentaient souvent celles qui bougeait à travers les vivants, dirigeant sa nation, en plein jour ou dans l'ombre. Là où la plus fine, piégée sous cette lueur éclatante de malice par leurs bas desseins, trahissait une puissance colossale, restreinte pour les intérêts de ceux qui en avaient conscience. Et peut-être par extension, pour son propre peuple, quel qu'il soit.
Cela importait peu, ce qui comptait en ce jour était de trouver des réponses à ce mal qui rongeait Runeterra à travers cette brume noire, telle était sa mission. Séparée de ses compagnons depuis leur arrivée, elle put profiter d'une nuit à peine fraîche avant de partir découvrir les environs. La jeune femme se laissa guider par les effluves magiques, triant parmi les divers types de cette dernière : élémentaire, runique, parfois même hextech.. non, bien que la magie élémentaire pût être celle qui aurait pu l'intéresser par celle qui s'approchait de la lumière, il lui fallait quelque chose de plus puissant, quelque chose qui se rapprochait des dieux, une énergie... Céleste ? Divine ? Comment pouvait-elle repérer cela ? Comment... comment savoir si c'était ce dont elle avait besoin ? Laissant un long soupir s'échapper de ses lèvres, l'altérée ne pouvait s'empêcher de haïr ceux qui l'avaient formé.
Ses mains s'appuyèrent sur une construction, semblant être une sorte de fontaine asséchée, ce que l'humaine ne perçut pas vraiment. Les yeux clos, couvert par leurs bandages, elle laissa de nouveaux ses autres sens faire le reste. Malgré une nation qui se relevait à peine de millénaire d'ignorance suite à son effondrement, l'activité était plutôt présente. Des marchés, des passants, des enfants, des gardes... Quelqu'un s'approchait d'elle, une personne pourvue d'une fine magie et qui cherchait à l'atteindre. La rose déchue se retourna d'un geste vif, tout en faisant un pas de recul vis-à-vis de celui qui était venu à son encontre. Face-à-face, l'individu hésita, était-ce dû à son handicap visible ou par le fait qu'il fut repéré ? Dans tous les cas, elle ne laissa pas ce silence durer plus longtemps.
- Qu'y a-t-il ?
La silhouette bougea légèrement avant de rétrécir, Dame Athoris n'avait pas besoin d'écouter le son de ses pas pour comprendre qu'il s'en était allé à toute allure. Quoi que lui voulait cet individu, il ne put l'obtenir, sa capacité à ressentir la magie ne reconnut aucune trace sur son être. Un soupir traversa ses lèvres alors qu'elle survolait de son regard particulier les environs. La noxienne discerna rapidement les marchés avec les amas énergétiques, de fines parcelles qui désiraient la guider en des endroits bien distincts, tels que les tombeaux des empereurs, la source émanant du disque solaire lui-même. Cependant, ce fut autre chose qui l’interpella. Allant à l'encontre de toute logique, elle vit des gouttes d'énergie à même le sol, marquant le passage d'un individu qu'elle ne pouvait décrire à l'heure actuelle, la magie émanant de ces marques semblait d'une noirceur corrosive, plus puissante encore que la brume noire. Était-ce le cas ? Non, une simple supposition faite par ses propres expériences.
Quelque chose de plus corrosif encore ? Maria ne put s'empêcher de passer deux doigts sur ce liquide sombre, les apportant non loin de son visage afin d'analyser cette énergie singulière. L'odeur ferreuse était claire, il s'agissait là de sang. Cela allait à l'encontre de sa mission, mais la mortelle ne pouvait passer à côté d'une telle chose. Quoi que cela était, elle devait le découvrir, que ce soit pour prémunir sa nation de cette chose ou de s'en servir afin d’anéantir la Rose noire. Tous les moyens étaient bons, sinon, elle n'aurait jamais accepté de servir le Revenant de Fer.
Suivant la piste, ses senseurs trouvèrent rapidement la source de ce fluide, suivant les filaments qui s’entrelacèrent dans l'air et qui nouaient en partie son estomac. Il y avait quelque chose dans cette énergie qui était aussi oppressante que puissante, de quoi raviver certains souvenirs, dont sa récente liaison pernicieuse. Se jetant droit dans la gueule du loup, l'altérée runique s'arrêta à quelques mètres de lui sans cacher sa présence, sans même se présenter, elle formula ses premiers mots d'une voix calme.
Mon temple avait sombré. Une nouvelle fois. Azir l’avait relevé par l’entremise de sa magie capable de contrôler le sable, mais tout comme il avait eu la capacité de lui rendre toute sa gloire d'antan, il avait été tout aussi capable de reprendre tout ce qu’il avait pris et le temple de l’Est Shurimien était redevenu un tas de ruine rocailleuses en l’espace d’un instant. Je n’avais été en mesure, ni de l’en empêcher, ni de réellement comprendre pour quelles raison il avait fait retrouver au temple que j’avais si longtemps gardé, sa splendeur originelle.
Quel gâchis !
Les nombreuses semaines que j’avais passés dans le désert shurimien, les obstacles que j’avais surmonté et les espoirs que j’avais placé en ce lieu unique, tellement iconique, le point de départ de tout ce que j’étais devenu. J’aurais eu la chance d’en apprendre davantage au sujet de ce qui était arrivé aux miens, plus que des ruines, c’est un temple tel qu’il aurait dû s'élever il y a plus de trois milles ans que j’aurais pu explorer ! Mais tous mes efforts avaient été réduits à néant par ce maudit piaf et son insignifiant larbin qui l’avait conduit jusqu’ici. Au moins, le guide était mort. C’était un faible lot de consolation mais il avait le mérite d’exister. Au fond de moi, Kai et Valmar étaient encore bouleversés, une bonne chose également, j’allais avoir la paix un moment. Pourtant je pouvais sentir leur satisfaction de m’avoir vu échouer à réunir des informations sur les Darkins. Qu’importe je trouverai autre chose et je réunirai à nouveau les miens. Je te retrouverai… ma très chère sœur.
Mais pour l’heure je ne peux pas me permettre de traîner trop longtemps. Le combat contre l’empereur de Shurima n’avait pas été une partie de plaisir. Il faut dire que les transfigurés sont loin d’être aussi fragiles que ces faibles macaques qui peuple le monde, j’avais bon espoir de lui avoir suffisamment suffisamment fait gouter de ma puissance pour qu’il prenne la menace du retour de mon peuple au sérieux, mais ses soldats de sable, en partie la guerrière Vastaya m’avait laissé de belles entailles dans la peau. Ce corps mortel est trop faible, il résiste mal aux attaques, nécessite d’être nourri et entretenu, c’est à la fois un handicap et une perte de temps colossale. Mais si je parvient à annihiler la conscience des deux parasites qui m’ont servi de matériaux principaux, je pourrais peut-être parvenir à élever ce corps au-dessus des normes humaines. Enfin… pour l’instant je devrais surtout me soigner.
J’avais décidé de me retirer dans un coin où la population serait abondante. En admettant que l’empereur décide de partir à ma recherche, il aura tendance à fouiller les zones les plus reculées en premier, pourtant quoi de plus efficace pour dissimuler qu’une foule dense ? Il me faut faire preuve de patience car l’endroit est particulièrement fréquenté et mon apparence dénote quelque peu des normes de la population de Shurima, mais je dégotte rapidement une cape sous laquelle me draper afin de me fondre dans la foule. Du sang épais et dont le rouge tire sur le noir violacé s’écoute de mes plaies mais je n’ai pas de temps a perdre. Je ne devrais pas avoir trop de mal à me remettre sur pied mais j’ai besoin de temps.
Je serpente à travers les gens, comme une ombre, presque invisible aux yeux des badauds qui fourmillent et s'agglutinent les uns sur les autres. Les humains sont des animaux qui aiment se retrouver en meute, ils s’imaginent que ça les rend plus forts, mais si seulement ils savaient combien ils sont insignifiants comparés à des forces qu’ils ne sont même pas capables d’imaginer. Leur insouciance et leur ignorance les font se bercer d'illusions. Ils croient être les maîtres du monde, mais il ne sont que du bétail qui attendent simplement l’instant où ils seront transportés jusqu’au plus proche abattoir. Les cris, les gens qui se bousculent, je sens mon crâne sur le point d’exploser, j’ai besoin de calme pour pouvoir penser mes blessures et je continue à me faufiler dans la foule pour atteindre une petite ruelle reculée ou l’odeur d'ammoniaque me laisse supposer qu’elle doit servir de repère pour tout un tas d’animaux errants.
Là, je me laisse glisser le long d’un mur qui s’effrite sur mon passage et pousse un long soupir de douleur. La blessure la plus importante est une longue estafilade plutôt profonde qui barre mon torse nu. De plus la plaie à été souillée par le sable, il va falloir que je nettoie ça. Avant de faire partie de Nous, Kai était capable de recoudre une plaie avec une dextérité et une précision chirurgicale, je sais que j’ai hérité de cette capacité moi aussi alors autant que les connaissances de cet idiot me servent à quelque chose. A l’aide d’une outre d’eau que j’ai escamoté sur un étal de marchandise, je nettoie soigneusement la ligne de sang et m’efforce de retirer le plus de grains de sable possible. Je grogne, je souffle lourdement par le nez, je serre les dents. Qu’est ce que ça fait mal ! Mais je ne me laisse pas anéantir par une blessure aussi ridicule bien que la rage me prenne moult fois de me sentir aussi misérable.
Quelqu’un approche. Souffle Valmar à mi-voix.
Je m'interromps dans mon geste et lève la tête pour aperçevoir une jeune femme aux cheveux blancs. Je glisse une main sur mon arc posé à côté de moi, mais lorsqu’elle me demande si j’ai besoin d’aide, je me contente d’un grognement en guise de première réponse. Je la détaille longuement, elle n’a pas l’air d’une guerrière, mais je ne saurais pas dire s’il s’agit également d’une mage. A en juger par les bandage qui recouvrent ses yeux, je dirais que cette femme doit être aveugle, à se demander donc comment elle a pu me trouver ici. J'imagine que je n’ai pas trop à me soucier du fait qu’elle puisse voir à quoi je ressemble. De toute façon la capuche de ma cape est rabattue sur ma tête.
- Je doute que tu sois capable de quoi que ce soit pour m’aider. Réponds-je avec dédain et méfiance.
Je lâche un râle étouffé entre mes dents et passe une main au niveau de ma blessure qui continue de suinter.
Ces filaments qui n'avaient de cesse de s'entrelacer n'étaient pas tous les mêmes. La majorité étant d'un cramoisi profond qui flamboyaient sans mal, prenant le dessus sur d'autres énergies. Le fait qu'elles se mouvaient sans cesse ne lui rendait pas la tâche aisée afin de percevoir toutes les subtilités possibles qu'elles camouflaient, mais si ce simple détail devait l'arrêter dans son discernement c'était que toutes ces années passées dans ces sous-sols malfamés, à subir et à étudier les nombreuses magies interdites, n'eurent servit à rien. Il lui fallut quelques secondes à peine pour avoir une idée plus précise de cet état : deux autres traces magiques suffoquaient par cette présence insidieuse qui était bien déterminée à éradiquer ses deux parasites. Oui, c’était ainsi que Maria le ressentait, ignorant pourtant que cet individu recelait en lui deux âmes humaines, après tout, est-ce que cela l'importait ne serait-ce qu'un peu ? Du tout.
Par ailleurs, cette réflexion fut interrompue par sa simple réponse, sans même avoir fait attention à son grognement, ou ne l'ayant pas spécialement relevé. Il fallait dire que son essence magique lui offrait une certaine fascination. Or sa réponse et sur le ton employé, lui soutira un bref rire que la jeune femme ne laissa pas échapper, habituée à être traitée comme un pantin assujetti par la Rose noire, pourtant, l'altéré avait un potentiel que beaucoup ne possédaient pas et une détermination non-négligeable, masquée par cette duplicité qu'elle pratiquait depuis bien quelques décennies.
- Recoudre cette plaie risque de prendre un certain temps, sans compter la douleur que cela pourrait engendrer. Je ne promets pas une cicatrisation sans souffrance, mais ce serait peut-être plus rapide qu'avec des fils et une aiguille. Sa voix resta aussi calme que la noxienne l'était malgré cette pression qu'exerçait naturellement son essence, espérant piquer sa curiosité quant au fait qu'elle pouvait deviner son état alors que ses bandages la montraient clairement atteinte de cécité.
Oui, bien que l'embrasée ne pût le voir, le sang de cet individu laissait échapper cette même énergie qui le composait, comme les gouttes au sol qui avaient trahi sa présence à ses senseurs magiques. Faisant partie de ces filaments qui se croisèrent sans distinction, allant parfois en sa direction ou bien retournant vers leur possesseur. Ses flammes brûlaient d'envie d'y goûter, de voir ce qu'il en était, mais comme leur hôte, elles devaient se contenir, tâter le terrain afin de pouvoir approcher cette créature sans finir empalée par ses désirs meurtriers. Ainsi, la fleur maudite haussa simplement les épaules, à peine quelques secondes après ses propres mots.
- Enfin, peut-être préférez-vous jouer de votre patience avec la couture sur chair. Dit d'une voix douce, ce n'était pas une provocation, sonnant presque comme une excuse pour l'avoir dérangé, mais il y avait là aussi, de quoi lui rappeler le fait que la noble pouvait lui faire gagner du temps et éviter qu'il ne s'amuse de ses propres nerfs. Après tout, s'il s'était reclus ainsi, c'était qu'il devait vouloir se cacher, qu'importe ce qu'il avait pu faire. Ce serait dommage que de se dévoiler à cause de ce simple détail, à moins qu'il ne fût plus fort d'esprit que ça, après tout, elle ne le connaissait pas.
Avant même d'attendre sa réponse, dame Athoris fit mine de faire demi-tour, faisant ainsi dos à l'homme qui comme beaucoup, la considérait comme du bétail, voire, qui ne la considéraient pas du tout. Le liquide sombre qu'elle avait récolté plus tôt de deux doigts, se retrouva alors rapidement rejoint par des flammèches qui désiraient en savoir plus, les consumer par leur chaleur étant synonyme d’absorption et d'assimilation. Cette simple quantité était bien trop maigre pour en apprendre quoi que ce soit, si ce n'était créer une case pour une magie nouvelle que son corps n'avait pu rencontrer auparavant, ainsi, sa curiosité pris de nouveaux le pas, Maria désirait sincèrement goûter à plus, découvrir cette noirceur différente de celle de Brume noire, de celles des expérimentations dont la mortelle fut sujet, ainsi que de celle de son Maître.
Oui, l'altérée runique n'était pas encore partie, espérant que sa proposition d'une guérison plus rapide et sans trop effort lui offrirait cette chance, d'après ce qu'il était, du peu qu'il lui avait montré, les chances risquaient d'être faible, pourtant, forcer n'était clairement pas une option à envisager.
Je me sens particulièrement stupide d’avoir laissé quelqu’un me trouver. Je m’imaginais invisible au cœur d’une foule pleine d’agitation et j’avais pourtant réussi à me faire remarquer. Pourtant j’avais pris soin de me dissimuler au mieux du regard des autres et j’étais certain d’avoir pris toutes les précautions pour éviter d’être suivi. En plus, cette femme qui m’avait trouvé était incapable de voir, pas avec ses yeux en tout cas et puisqu’elle avait tout de même pu débusquer ma cachette j’en déduisait qu’elle était capable de se repérer autrement. Comme elle proposait de me venir en aide sans passer par la méthode chirurgicale, je ne pouvais pas m’empêcher de m'interroger. Est-ce qu’elle serait soigneuse ? Possède-t-elle un artefact particulier qui lui permettrait de m’aider ? Ou alors est-ce simplement un piège dans lequel je ne peux pas me permettre de tomber ?
Je m’apprête à lui demander de me déguerpir, mais ma blessure me lance histoire de me faire comprendre que mine de rien, il serait peut-être temps de s’en occuper. Je n’ai aucun doute sur le fait que je pourrai la recoudre moi-même mais j’ai comme l’impression que Kai est encore particulièrement abattu par le combat que nous avons mené contre Azir… je sais qu’il ne se pardonne toujours pas la mort de Nezsan et même en le forçant à se soumettre à ma volonté je ne suis pas assuré qu’il ne cherche pas à saboter ma guérison.
Finalement, une pensée surplombe les autres et me pousse à relever la tête vers la jeune femme déjà en train de rebrousser chemin “Je ne peux pas me permettre de trainer”. Il faut que je reprenne la route. Si mon temple ne peut plus me fournir les ressources suffisantes pour me permettre de retrouver les miens alors je n’ai plus rien à faire en Shurima. Non sans un certain effort et un grognement de douleur audible, je me redressais pour caler correctement mon dos contre un mur et lève la tête en direction de la jeune femme aux cheveux blanc qui me tournait le dos.
- Attends.
Un nouveau grognement s’échappe de mes lèvres et je pose mes yeux sur la longue estafilade sanglante qui me barre le torse du haut du pectoral droit jusqu’au nombril. Je vais peut-être le regretter mais c’est probablement encore la meilleure solution pour me permettre de rapidement retrouver la pleine possession de mes capacités.
- C’est bon, j'accepte ton aide. Soufflais-je entre mes dents.
Mon regard est planté dans ce qui serait le sien si elle n'avait pas ces bandages sur les yeux, mais qu’importe qu’elle ne puisse pas me voir, je suis presque certain qu’elle peut le sentir, le regard plein de détermination que je pose sur elle. Ce n’est peut-être qu’une vulgaire humaine, mais elle a quelque chose de différent de tous ces primates qui fourmillent dans les rues et courent partout pour aller nulle part.
Je la laisse donc s’approcher mais ne tarde pas à ajouter.
- Mais je te préviens, si tu tente quoi que ce soit de louche, je te tue sur le champ.
''Attends.'' Ce mot résonna dans son esprit alors que son don finissait à peine de consumer cette mince trace sanguine, lui faisant serrer le poing un instant avant de tourner son visage en la direction de l'individu blessé, montrant une légère mine étonnée, si ce n'était curieuse. Son ton n'était en rien appréciable, ne faisant même aucune preuve de confiance, cela, Maria en avait l'habitude, bien trop diraient beaucoup, pour peu que certains eurent connaissance de sa situation, ce qui ne fut pas le cas en dehors de ses ''employeurs'' directes, si le terme pouvait être dit.
Ainsi, il accepta son aide ? À contrecœur, si son ton continuait de le trahir aussi bien. Son regard altéré ne cessait alors de suivre cette coulée sanguine qui laissait sa magie suinter de son être, toujours curieuse à son égard sans pour autant le paraître, son esprit se concentra sur le genre de flammes à user afin de pouvoir cautériser sa plaie. Du feu, oui, impie... non. Éthérée ? Certainement pas. Lors de ses pensées, ses pas l'approchèrent de l'être bougon. C'était à moins d'un mètre de lui que ses mots l'atteignirent de nouveau, lui faisant hocher de la tête. Ah, s'il savait, il la tuerait certainement sur le coup, voyant une possible libération de tous ceux à quoi elle était liée, avant de se souvenir de son dernier pacte. Son âme lui reviendrait sûrement. Sans même laisser l'ombre d'un soupir se former au plus profond d'elle, l'humaine s'agenouilla afin de se mettre face à la plaie.
- Alors, autant être claire, mon don est la pyromancie. En premier lieu, mes flammes nettoieront les potentiels résidus qui seraient encore présents, après quoi elles cautériseront la plaie. Cela ne sera pas très agréable, mais je n'irais pas au-delà de votre blessure. Prononcé d'une voix calme alors que son visage lui faisait face afin de montrer franc jeu, l'altérée n'alla pas plus loin en explication pure, pour ne pas le bassiner davantage.
Plus basses, ses mains s'étaient jointes, créant de fines étincelles qui prirent en quelques secondes l'allure de flammèches rougeoyantes. La noxienne se concentra afin de les maintenir ainsi, alors que son regard dévia un moment sur la plaie que la magie ne cessait de quitter, celle-ci semblant même vouloir envelopper ce que son don matérialisait, les attisant légèrement à leur passage. C'était un jeu dangereux qui commençait déjà à doucement ronger son être en débutant par ses doigts, cela ne la gênait pas, restant sur cette énergie dont elle devait appréhender les effets qu'elle pourrait offrir à ses flammes. Ainsi, la rose déchue regroupa le tout dans sa main droite, les liant à son index et son majeur afin d'être plus précise et de pouvoir mettre fin au procédé si quelque chose n'allait pas, ou venait à dégénérer.
De ses deux membres légèrement embrasés, la mortelle frôla la chair sanguinolente, dans un geste doux, mais surtout consciencieux. Elle dut s'assurer à la fois que son don ne s’emballait pas, qu'elle-même pourrait garder ses flammes naturelles, mais aussi de s'assurer de l'état de son... patient ? Ainsi, s'il n'opposa pas plus de résistance, dame Athoris poursuivit son avancée, laissant les flammèches effacer les résidus gênant restant tel que des grains de sable ou autres, qui n'avait rien à faire là. Autant dire que tout ce qui pouvait empêcher de guérir une blessure se faisait consumer sans distinction. Or, la magie de cet être ne cessait de l'inquiéter, devant brûler également le sang qui s'en échappait, ses flammes prirent parfois une teinte violacée, prouvant qu’elles l’assimilaient au passage.
- Dites-moi, est-ce que votre corps est celui d'un humain ? La question était nette, posée d'une voix basse. Quoi que vous soyez, cela m'intéresse pas, ce qui était faux, c'est surtout pour savoir si de simples flammes suffiront afin de cautériser votre plaie.
Maria le savait, enfin, la fleur maudite s'en était doutée. Cependant, son don venait de le lui confirmer en s'occupant de cette blessure. Sa propre magie changeait légèrement à son contact, comme si celle de cet individu se mêlait à la sienne afin de détourner la nature pure de ses flammes qu'elle s'évertuait à conserver.
Elle s’approche et se penche au-dessus de moi pour… inspecter ma blessure ? Finalement je me demande encore comment elle va être capable de m’aider puisque de toute évidence, elle ne peut même pas voir la plaie qui barre mon torse. Pourtant la jeune femme à l’air plutôt confiante dans sa capacité à me venir en aide. Je hausse un sourcils alors qu’elle me révèle que son dont est non pas le soin, mais le contrôle des flammes. Finalement j’aurais peut-être dû me contenter de me recoudre, je ne suis pas certain que cautériser la plaie donnera un résultat très esthétique à ma blessure. Cela dit, le temps presse, je suppose que je peux attendre de voir ce que donnera sa magie.
- Bien.
C’est rageant. Pour ne pas dire humiliant. J’ai l’impression d’être un animal blessé qui n’a plus que ses grognements pour dissuader les prédateurs de s’approcher. Oh je n’ai aucun doute sur le fait que je pourrais abattre cette femme d’une flèche bien placée, en revanche j’aurais probablement du mal à enchainer un nouveau combat si l’Empereur Azir venait à me retrouver. Cela dit, je suis assez sûr de moi, il a probablement bien mieux à faire que de me courir après, actuellement.
Alors j’observe celle qui prétend pouvoir me soigner avec une certaine attention. Elle semble détailler ma blessure alors que ses mains s’embrasent, j’ai un léger mouvement de recul malgré moi car je peux sentir que ces flammes regorgent de pouvoir, ce ne sont pas de simples flammèches, mais l’humaine à l’air de savoir se servir de son pouvoir. C’est donc empreint d’une certaine appréhension mais bien décidé à la garder à l'œil que je laisse ses mains se poser sur ma peau pour commencer à analyser ma blessure plus en profondeur. Ce n’était pas particulièrement douloureux pour le moment, j’avais connu bien pire, je sentais la chaleur des flammes toutes proches de ma blessure picoter légèrement mon épiderme fendu. C’était comme si elles se contentaient de lécher tout doucement la plaie. Cela dit je voyais bien que les flammèches changeaient de couleur et ça, c’était particulièrement curieux. Est-ce que la magie de cette femme réagit à la présence de la magie du sang corrompu dans mes veines ?
Sa question me fait froncer les sourcils. Je ne sais pas trop si je dois lui faire confiance mais je n’ai aucune raison de craindre quoi que ce soit de sa part.
- En partie. Me contenté-je tout d’abord de répondre avant d’ajouter, disons qu’il est au deux tiers humain. Le dernier tiers est celui qui compose mon essence. Celle d’un Darkin.
Je ne retiens même pas de sourire sur mes derniers mots. En général lorsque je fais cette révélation les gens ont deux réaction bien distinctes : La première est l’ignorance. Je suis toujours estomaqué de constater que les gens ont pu si facilement oublier qui nous sommes. Ils nous ont exterminés, nous ont enfermé pendant des millénaires, et nous ont oubliés comme si nous n’avions été qu’une page insignifiante de leur histoire. Peu importe, à ceux-là, je me ferai un plaisir de leur rappeler qui sont les Darkins. La seconde est l'effroi, ma préféré, voir la terreur gagner leurs traits, leur regard se poser dans le mien, c’est une émotions tellement plaisante à observer.
- Tu l'avais compris n'est-ce pas ? Que mon corps n'était pas entièrement humain. Comment ?
Elle ne peut pas avoir posé cette question simplement par hasard, j'en suis convaincu. Il y a quelque chose dans sa magie qui l'a aidé à comprendre.
À sa révélation, sa tête se redressa, plantant son regard obstrué dans celui dudit Darkin. Cette humaine ne pouvait feindre l'ignorance, pas comme lorsqu'elle le faisait en faisant preuve de duplicité envers ses geôliers et ses bourreaux, car il y avait là, une opportunité peut-être mince, que d'en savoir plus sur cette essence qui rongeait sa curiosité depuis leur rencontre, ainsi que d'en savoir plus sur ces êtres que relataient de rares bouquins au sein du Bastion. Son visage n'exprimait pas grand-chose, l’effroi ne la gagnait pas malgré ce que l'embrasée avait pu lire sur eux, étant déjà entre les griffes de biens d'autres choses qui pouvaient l'anéantir d'un geste, d'un mot, d'une expiration. Pourtant, son être s'était figé devant lui, laissant lors d'un instant, la magie du déchu corrompre la sienne, reculant à la hâte la main qui s'occupait de la plaie afin d'éviter un désastre potentiel.
Déviant son regard de celui de son patient, l'altérée se concentra de nouveau sur son don, voulant calmer le jeu de ses flammes, ce qui fut rapidement compromis lorsqu'il s'exprima de nouveau. Ainsi, la noxienne laissa un fin soupir s'échapper de ses lèvres.
- Pour quelqu'un qui se repère à la magie uniquement, je ne peux y faire abstraction. L'essence magique de chacun, qu'elle soit infime ou en quantité magistrale, sans même compter leur éclat ou... leur noirceur... Je ne vois que ça. Fit Maria de plus en plus bas, comme si elle avouait un crime dont la mortelle n'était pas fière.
Joignant ses mains une nouvelle fois, la jeune femme partageait les flammèches entre elles, les atténuant afin d'apaiser le contrecoup de l'utilisation de son don, bien que cela était infime, elle voulait que cela le reste, ce qui risquait d'être compromis au vu de la situation.
- Avec de simples flammes, cette plaie ne sera soignée qu'aux deux tiers. Or, l'essence Darkin présente dans votre sang pourrait me permettre de la cautériser intégralement, peut-être de faire en sorte qu'elle n'ait jamais existé. Le second point était un peu audacieux de sa part, mais cela pourrait peut-être aller en sa faveur. Je peux assimiler d'autres magies, cela ne dure jamais longtemps et me coûte beaucoup, mais l’opération devrait être assez rapide pour que je puisse la terminer avant que le pouvoir assimilée ne disparaisse. La fleur maudite laissa quelques secondes de silence avant de reprendre. Je le ferai seulement si vous me le permettez. C'est pour cela que l'humaine avait posé cette question, pour guérir au mieux cette plaie, mais surtout, afin de pouvoir ressentir cette essence corrompue.
Cette fois-ci, ce furent son index et majeur gauche qui prirent le relais, l'esprit clair malgré la pression qu'offrait naturellement son interlocuteur, l'altérée runique put maintenir au mieux leur couleur orangée, bien qu'elles prirent parfois, au contact du sang, cette lueur violacée. Maria conservait tout de même une oreille attentive au Darkin afin de savoir si elle pouvait ou non, user de cette magie que son don assimilait déjà à son contact, mais que la jeune femme n'utilisait pas, sachant pertinemment qu'en user reviendrait à refaire bon nombre de ses bandages, voir à ne plus jamais les refaire si l'archer venait à le remarquer. Aussi méfiant, il aurait vite fait de mettre un terme à ses jours. Quoi que... si rapidement ? N'avait-elle aucune défense pour penser mourir si facilement ?
Jouer avec le feu était toujours risqué, ce n’était plus à prouver, c'était bien pour cela que la rose déchue s'assurait de veiller sur un brasier qu'elle nourrissait qu'en cas de nécessité.