Nous ne pouvions pas retourner a Pallas, et plus généralement, nous ne pouvions pas rester à Ionia. La présence de la bête, toujours plus forte en nous, nous avait poussé à prendre nos distances. D'abord de la famille de Val, puis finalement, de cette terre qui nous avait vu naître... et renaître. Depuis combien de temps voyagions nous ? J'ai du mal à le dire. La lutte incessante pour le contrôle de ce nouveau corps rendait notre vision du temps et de l'espace plus flou que jamais. J'avais peur. Nous nous arrivions à Navori et si le Darkin semblait, tout comme Val et moi, enclin à quitter la région, je craignais qu'il ne s'en prenne à d'innocents paysans car sa soif de sang ne semblait jamais se tarir.
Ionia est une terre magnifique dont même les affres de la guerre ont été incapable de ternir la beauté. Nous avançons au cœur d'une immense plaine bordée de montagnes dont la cime semble caresser les nuages, des arbres à la tailles impressionnantes et au feuillages tantôt vert, tantôt rouge donnent aux paysages une allure éclatante. Je me sens nostalgique, ça faisait longtemps que je n'étais pas revenu dans ce coin ci de Ionia.
Tu pense à ta famille, Kai ?
La voix de Valmar est aussi douce que teintée de tristesse. Mon regard se pose au loin avec une infinie nostalgie.
« Oui. J'aurais aimé pouvoir te les présenter à mon tour. Mais ça ne sera pas pour tout de suite. »
Crois tu qu'ils m'auraient apprécié ?
« J'en suis certain. »
Mais nous ne pouvons les retrouver maintenant. Pas tant que nous n'avons pas trouver un moyen de chasser la bête. A cette pensée, je peux sentir le Darkin sourire, nos espoirs l'amusent, il est persuadé que nous serons incapable de le battre mais il ignore à quel point la force de notre amour surpassera celle de sa haine.
Pourtant, alors qu'il se tenait relativement tranquille depuis quelques heures maintenant, quelque chose semble attirer son attention. Quelque chose qui nous fait tourner la tête à l'unisson dans la même direction.
Par là. Souffle la voix du Darkin. L'un de mes frères est ici, je le sens.
Je peux sentir toute la puissance de sa volonté qui me pousse à avancer.
« Tu ne crois quand même pas que je vais te laisser aller retrouver les tiens ! »
Tu n'as pas le choix.
S'en suit alors une lutte de l'esprit pour le contrôle du corps. Une lutte dans laquelle mon âme et celle de Valmar combattent avec plus de férocité que contre n'importe quel monstre que nous ayons combattu jusqu'à présent. Sa main sans la mienne, nous tenons. Mais alors que le corps se rapproche, l'influence de Varus devient plus forte, sa présence nous écrase et nous affaiblit un peu plus a chaque nouveau pas en avant. Sa résolution est grande, et son pouvoir nous surpasse de loin. Je me sens peu a peu perdre le contrôle alors que mon essence est renvoyée au plus profond de notre être. Je suis épuisé... ô Val, je suis tellement désolé.
« Insignifiants mortels... vous n'êtes rien et ne serai jamais rien d'autre qu'une infime partie de mon être. Vous n'avez que deux solutions, m'accorder votre entière coopération, ou disparaître. »
C'est donc galvanisé par cette nouvelle victoire que je peux enfin reprendre le contrôle et avancer d'un pas rapide dans la direction où j'ai pu sentir cette présence. La présence de l'un des miens, j'en suis sûr. C'est diffus, mais cette présence est bien là, quelque part. Elle m'appelle. Et je ne peux qu'espérer que ce soit également son cas...