MISSIONS : INCURSION DE BRUME : IXTAL

S’il n’avait plus besoin de dormir et qu’il n’y arrivait même plus, Azir œuvrait la plupart du temps durant la nuit mais parfois il s’asseyait en tailleur sous le Disque Solaire et pensait, méditait, se souvenait. En face de lui il pouvait voir la silhouette gargantuesque du palais se découper sur le ciel étoilé, quelques pièces restaient éclairées, c’était le genre d’endroit qui ne dormait jamais, pas entièrement en tout cas. On pouvait toujours trouver des esclaves, une poignée de dignitaires, un prêtre ou deux, quelques officiers en arpenter les couloirs déserts. Dans ces couloirs déserts, des millénaires auparavant, il se souvenait attendre dans la salle du trône où son père tenait audience.

Le prince était adossé à l’un des murs lorsqu’on annonça à l’empereur que les ambassadeurs qu’il avait envoyé réclamer la soumission de Seris avaient été exécutés. Il s’était levé, pris d’une fureur brûlante il fouettait l’air de son sceptre, cherchant à passer sa colère sur les courtisans qui s’y refusèrent et sortirent de la pièce. Seul restaient Renekton et Nasus que son père évitait soigneusement. Azir aurait pourtant aimé qu’il frappe l’un des deux frères mais il savait que ça n’arriverait pas. A la place son père avait ordonné aux transfigurés de prendre leurs légions et d’écraser la ville qui avait l’audace de se rebeller avant même de s’être soumise. Le crocodile avait alors demandé à ce que le prince les accompagne ce que l’empereur avait refusé après tout il était son dernier enfant encore en vie et jusque là Renekton s’était montré un piètre protecteur des rejetons impériaux. Ce fut Nasus qui réussit à convaincre l’empereur, lui disant qu’en restant au palais il ne ferait que se complaire dans tout le luxe qu’offrait la capitale et puis en plus de ça l’impératrice était enceinte.

Sans même se demander si Azir était d’accord ou non, l’affaire fut conclue mais le prince fanfaronnait alors la question ne s’était pas posée. Toutefois une fois seul dans ses appartements l’héritier avait du mal à réprimer la peur, la poigne glacée qui lui enserrait les tripes, à l’idée de partir en guerre. C’était anormal, il le savait, personne ne devait savoir que derrière ses bravades dans la salle du trône se cachait une appréhension, une crainte, que penserait-on de lui alors ? Qu’il était un prince indigne et alors il ne serait pas difficile de l’écarter de la succession ; déjà qu’il ne deviendrait empereur que parce que ses frères étaient morts, ses oncles et cousins verraient dans sa faiblesse une occasion de faire valoir leur revendication au trône. Il devait se montrer aussi fort que Setaka, il n’avait pas le choix, pour éviter une guerre civile : il devait rugir comme la lionne, comme la reine de l’Ost. C’était ce que Xerath lui avait dit et Azir savait très bien que son meilleur ami avait raison, il ne lui manquait plus qu’à prendre son courage à deux mains et enfiler son amure.

Et il avait rugi lorsqu’il fut le premier à s’être lancé dans la brèche, suivi de près par Renekton pour vaincre les soldats de Seris, il avait mené les troupes de l’empire dans les rues de la ville rebelle jusqu’au palais du tyran et après en avoir brisé les portes il avait attrapé le prince de la cité par le col de sa robe cérémonielle pour le jeter à ses hommes qui l’enchaînèrent. Il avait rugi sous l’adulation de la foule à son retour à la capitale, flanqué par les deux frères transfigurés. Il avait rarement été si fier qu’au moment où il avait fait agenouiller le prince devant son père. Il avait été l’architecte et l’ingénieur de sa grande victoire et pour ça il avait reçu les honneurs appropriés mais plus tard il s’était rendu compte qu’en réalité la victoire lui avait été servie sur un plateau. Sa grande stratégie pour faire tomber la cité si c’était lui qui l’avait mise au point il l’avait changé au moindre haussement de sourcil, au moindre mouvement de tête désapprobateur de Nasus. Pour ce qui était de l’attaque il aurait dû mourir dix fois mais à chaque fois Renekton l’avait sauvé cependant Azir avait été trop aveuglé par la gloire qu’il retirerait de sa victoire, de montrer qu’il était un prince exemplaire, pour s’en rendre compte.

Lorsqu’il s’était à nouveau retrouvé sur un champ de bataille il avait été plus prudent, plus précautionneux et s’il savait qu’il n’aimerait jamais prendre une vie comme Xuuyan ou Renekton au moins il pouvait apprendre à le supporter, à vivre avec. Il aimait se penser un peu comme Aatrox : un guerrier qui n’appréciait pas combattre mais qui savait que c’était inévitable et qu’une fois que l’honneur ou l’empire était en jeu n’irait pas se battre à reculons.

Et sa résurrection n’avait rien changé, c’était une vision qui était toujours la sienne alors lorsqu’il apprit qu’Ixtal était menacé il se devait d’intervenir. Certes Ixaocan n’avait pas choisi de retrouver sa place légitime dans l’empire mais c’était sûrement parce que l’arcologie n’était pas au courant du retour de son empereur légitime mais une fois qu’il se présenterait aux portes de la cité et qu’il la sauverait alors les ixtalis se rangeraient à ses côtés. Alors que le soleil se levait sur Shurima et que le Disque Solaire renvoyait ses rayons sur les habitations en contrebas, l’empereur transfiguré se releva et ce fut avec le cœur lourd qu’il s’en alla vers l’est, longeant d’abord la Mère de la Vie jusqu’à la jungle avant de prendre son affluent au nord à la recherche d’un village où trouver un guide. S’il pouvait survoler la canopée, ce qui aiderait sans doute pour trouver Ixaocan, il n’avait pas envie d’errer pendant il ne savait combien de temps à chercher une ville sur presque un quart du continent.

Un village qu’il trouva à l’orée de la flore luxuriante, un village au centre duquel il descendit, le dais de sable flottant se posa lentement pour donner à l’empereur une entrée toute théâtrale alors qu’il posa une serre sur le sol de terre battue. Visiblement il n’était pas le seul à être là, il y avait une poignée de gens qui n’avaient pas vraiment des têtes de villageois. Sauf peut-être l’autre énergumène violet. Mais surtout il y avait l’imposteur.

« Votre empereur est de retour! » S’exclama-t-il, sa voix grave portant bien au-delà des limites du village, faisant frémir les larges feuilles des plantes gigantesques et faisant s’envoler une volée d’oiseaux. Sa voix laissait penser qu’il n’imaginait pas une seconde que les villageois puissent refuser de retourner dans le giron de l’empire. « Et vous allez le mener jusqu’à Ixaocan. »

Résumé:

Blessures acceptées : mortelles.

Et ils étaient chanceux qu’il n’était plus humain. Le Azir dont ils avaient pu entendre parler les aurait attachés nus à un poteau pendant trois jours à supporter le soleil de plomb et les nuits frigorifiques du désert pour voir avoir osé non seulement douter de lui mais en plus d’en avoir ri. Maintenant, le transfiguré s’en moquait presque autant que les villageois, ce n’était pas une poignée de consanguins perdus si loin de la civilisation qui risquait de l’agacer. Ce qui était toutefois plus étrange c’était qu’ils avaient ri au nez d’un transfiguré alors qu’il se souvenait très bien que le culte était implanté profondément dans l’empire ; si on les appelait les guerriers divins ce n’était pas pour rien après tout. Les gens en face de lui avaient fait preuve d’un courage ou d’une stupidité qui défiait l’entendement mais avant de déterminer si c’était de la bravoure ou de la stupidité l’empereur se tourna en direction d’un second éclat de rire qui venait de derrière lui. Il lui semblait l’avoir reconnu mais il fit volteface pour s’en assurer et ses yeux roulèrent dans ses orbites en voyant que l’imposteur était là, lui aussi. Il ne manqua pas l’ironie d’être abaissé à son niveau mais bon si ça pouvait l’aider à supporter un peu mieux son insignifiance tant mieux pour lui. Il n’allait pas gaspiller son souffle, bien qu’il n’en manquait plus maintenant qu’il n’avait plus de poumons, pour lui.

Il répondit d’un hochement de tête au salut de la vastaya et croisa les bras. Ces gens étranges qui étaient venu à la frontière de son empire posaient des questions qui l’intéressait aussi. Non seulement à propos de cette brume dont il avait entendu parler mais aussi sur la nature de cette liane. Toutefois il était difficile d’obtenir des réponses lorsque l’on risquait de se faire attaquer par la flore locale alors qu’il se tournait vers les voyageurs, Azir leva une main et le peu de sable autour s’anima. Des répliques miniatures du disque solaire apparurent au-dessus des huttes, tournant doucement sur eux-mêmes, prêts à châtier quiconque, ou quoi que ce soit, voudrait s’en prendre au village avec la fureur du soleil shurimien.

« Si quelqu’un sait quoi que ce soit à propos de la brume ou de la jungle, il serait temps de parler. »

Résumé:

L’empereur écoutait d’une oreille distraite ce que disent les autres, en réalité il se demande comment il pourrait bien appeler l’imposteur, fouler du pied le nom de Varus en lui attribuant était hors de question alors il se décida pour Kivith. Bien qu’il fut mort depuis des millénaires, le prêtre qui avait insisté pour refuser son ascension à Azir lui tapait toujours sur les nerfs lorsqu’il y repensait et puis si l’étrange humain n’avait pas le cheveu sur la langue de Kivith, il était tout aussi pénible de l’entendre parler. Et puis vint Tête-de-Poulpe avec son bâton et sa lanterne, toute droit sortie d’histoires stupides de marins ayant passé plus de temps à écumer les fonds de taverne qu’en mer. Toutefois le transfiguré n’eut pas vraiment l’occasion de s’intéresser à l’apparition dont l’esthétique était pour le moins déficiente car l’énergumène emmitouflé laissa s’échapper des créatures violettes de sous ses vêtements et pas n’importe lesquelles.

Azir resta muet devant les néantis, la surprise le volant de sa réaction. Jusqu’à ce qu’il ne se ressaisisse. Les disques d’or qui flottaient au-dessus des masures se tournèrent en direction des créatures sur son ordre tandis qu’il fit se lever ses fidèles guerriers de sable ; moins qu’il aurait aimé en faire apparaître mais c’était le problème de se trouver à la bordure du désert. L’idée l’aurait d’ailleurs amusé dans d’autres circonstances, lorsqu’on le traversait il semblait sans fin, le désert, et maintenant qu’il était à sa frontière il se sentait tout drôle. Malheureusement il n’avait pas vraiment le loisir de se laisser aller à des considérations futiles. Il se trouvait avec autant de soldats qu’il y avait de néantins, lances pointées vers les monstres chitineux. Et puis l’empereur se rendit compte que Kivith n’avait pas bougé et qu’il avait même posé une question ; venant de quelqu’un qui revendiquait être Varus et qui, par conséquent, était sensé s’être battu à Icathia contre le Néant, bataille qui avait vu la mort d’une bonne partie des guerriers divins de l’empire et de leur reine, en prime. Au moins il n’y avait plus de doute sur son imposture.

Les guerriers de sable restèrent en formation circulaire autour de leur maître tandis que les disques autour se mirent à tirer une salve de projectiles solaire sur les néantins.

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Regardant le dévot du Néant avec une haine qui aurait éclipsé le zénith, Azir relevait les soldats qui se faisaient submergés par les créatures. Si seulement il s’était trouvé plus proche du désert il aurait conjuré le Monolithe afin d’écraser une bonne fois pour toute Malzahar et ses monstres mais il en était trop loin. Y’avait-il plus juste que de détruire une deuxième fois un représentant du Néant avec la création de Nezuk ? D’un coup de poignet il libéra la puissance du Disque Solaire dans son sceptre pour liquéfier un des monstres qui avait passé le cordon de ses troupes.

C’était en réalité un combat qu’il ne pouvait pas gagner, il y en avait trop et si d’ordinaire il aurait pu noyer le prophète sous le nombre de ses soldats de sable il en était maintenant incapable, trop loin du désert qu’il était. Alors il était temps de mettre en œuvre ce que lui avait appris Nasus, tous ces siècles auparavant. Les guerriers d’Azir se désagrégèrent, une partie fut emportée par le vent, les grains de sable s’en allant malgré eux dans la jungle, mais la majorité s’envolèrent pour former l’estrade sur laquelle il était arrivé. Le premier néantin qui passa le demi-cercle de troupes qui disparaissait sauta trop tard pour atteindre l’empereur qui s’éleva à plusieurs mètres du sol. Les répliques du Disque Solaire tirèrent une dernière fois sur les créatures du néant avant de disparaître à leur tour alors que le transfiguré s’en alla aussi vite qu’il était arrivé.

Il avait tant de combats à mener qu’il fallait qu’il choisisse ceux qu’il pouvait gagner et si l’étrange bande dans ce village ne semblait pas avoir de problèmes à coopérer avec la force qui avait pour but que de détruire le monde grand bien leur fasse, il imaginait que ce ne serait pas trop le cas d’Ixtal.

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